Cet été, «L’Agefi» publie en exclusivité 10 chapitres du livre paru cette année de Dominique Freymond dans lequel il partage son expérience d’administrateur d’entreprise.
Résumé
Comment ouvrir le conseil d’administration d’une PME, formé de quatre associés opérationnels et amis de longue date à des administrateurs indépendants? Quels enjeux prendre en considération?
Anecdote
Cette PME a été fondée dans le cadre d’un MBO par quatre associés. Très active dans une niche des technologies de l’information appliquées aux marchés financiers, elle s’est rapidement développée.
Samuel, président, s’interroge toutefois sur le besoin d’ouvrir le conseil à des membres indépendants. Actuellement, les seuls administrateurs sont les quatre actionnaires, amis de longue date et qui se sont aussi réparti les responsabilités opérationnelles en fonction de leurs différents domaines de compétences (direction générale, opérationnelles, commerciales et techniques). Ils ont «le nez dans le guidon» et pas toujours le recul nécessaire en ce qui concerne les aspects stratégiques. La décision est prise de recruter deux personnes supplémentaires. Ainsi, les associés gardent le pouvoir au sein du conseil mais peuvent bénéficier d’autres points de vue, opinions et expériences. Passant en revue leurs carnets d’adresses, ils identifient d’abord Jean-Jacques, un banquier qui connaît bien le domaine d’activité de la PME. Ancien client, «ami de la maison», son choix fait rapidement l’unanimité.
Le deuxième candidat, Rudolf, est un spécialiste des technologies dans le monde de la finance. Mais il vient de Zurich et n’est pas connu des associés. Une approche prudente, par étapes, est retenue. Une première rencontre, sans engagement ni proposition, permet à Samuel de déterminer si la personnalité de Rudolf peut convenir. Six semaines plus tard, le repas avec tous les associés permet de mieux se connaître sans préciser les contours d’une éventuelle collaboration. Pour Rudolf, ces rencontres sont agréables et intéressantes mais leur finalité ambiguë l’intrigue. Enfin, trois mois plus tard, Samuel lui demande formellement s’il est intéressé à rejoindre ce conseil.
Au premier abord, les actionnaires sont en général réticents à s’ouvrir au premier venu et à partager des informations confidentielles. La personne candidate doit donc s’armer de patience
Dominique Freymond
Du côté de Rudolf, la tentation de répondre rapidement positivement est forte car l’ego est flatté. Mais il vaut mieux y résister et faire une due diligence.
Enfin, six mois après le premier contact, dans le cadre d’une assemblée générale extraordinaire, Rudolf est élu au conseil. Les actionnaires sont convaincus que son choix était pertinent et favorable aux intérêts supérieurs de l’entreprise. Les rencontres informelles entre toutes les personnes concernées ont permis de cerner la personnalité du candidat et d’établir une relation de confiance.
Quelques pistes de réflexion
Rejoindre un conseil de PME prend du temps pour créer la confiance mutuelle. Au premier abord, les actionnaires sont en général réticents à s’ouvrir au premier venu et à partager des informations confidentielles. La personne candidate doit donc s’armer de patience.
Les associés actionnaires, administrateurs et aussi directeurs maîtrisent en détail tous les aspects de l’entreprise. Cela complexifie l’intégration de membres indépendants. Mais la principale valeur ajoutée des indépendants vient d’un regard différent et neutre face à l’entreprise et qui permet de prendre le recul nécessaire face à l’opérationnel. Le processus de due diligence est indispensable afin de donner une réponse définitive. Le fait de connaître tous les actionnaires et d’avoir une bonne compréhension du modèle d’affaires de la PME sont des indications favorables. Obtenir les comptes d’exploitation et le bilan des trois dernières années, ainsi que des informations sur les clients, le cycle de vie des produits proposés et les marchés ciblés permet de se faire une meilleure idée des enjeux et défis de la PME, ainsi que de son potentiel d’évolution. Il est important de passer en revue les aspects financiers et opérationnels, ainsi que la gestion des risques et de la conformité.
Toutefois, plus essentiel encore, il faut rencontrer les personnes clés parmi les actionnaires, membres du conseil et de la direction. La relation intellectuelle mais surtout émotionnelle entre les personnes compte! Chacun doit se demander s’il peut accorder une totale confiance à l’égard des autres collègues.

*«Gouvernance d’entreprise: l’envers du décor en 100 anecdotes», Dominique Freymond, Editions Châteaux et Attinger, 2023, 265 pages, CHF 34.-