Cet été, «L’Agefi» publie en exclusivité 10 chapitres du livre paru cette année de Dominique Freymond dans lequel il partage son expérience d’administrateur d’entreprise.
Résumé
Cette PME a été fondée il y a plus de cinquante ans par un couple d’entrepreneurs. Cinq représentants de la deuxième génération se sont ensuite réparti les différentes tâches opérationnelles. Elle a aussi su s’adjoindre des compétences externes, dont un jeune directeur financier. Au moment de passer la main à une troisième génération, les membres de la famille souhaitent se concerter sur le futur de cette entreprise florissante.
Anecdote
Gabriel et Irène sont les fondateurs toujours présents dans l’entreprise et leurs avis comptent. Dans la deuxième génération, chacun a trouvé un rôle à la mesure de ses ambitions, au Conseil, à la direction, voire dans des activités opérationnelles. Les membres de la troisième génération n’ont plus le même lien affectif avec l’entreprise. Les uns font des études, les autres ont rejoint de nouvelles entreprises et quelques-uns sont intéressés à prendre des responsabilités dans la PME.
Rédigés il y a des décennies, les statuts clarifient le minimum légal. Et cela suffit, car tout était réglé oralement par Gabriel et Irène. Personne ne contestait leurs décisions prises avec pragmatisme et bon sens. Et toute la famille leur était reconnaissante d’avoir réussi à développer cette entreprise avec succès.
Afin de déterminer qui reprendra les rênes de la PME, une grande réunion familiale est organisée. Modérée par Pauline et Valentin, elle devrait permettre de clarifier les choix des différents membres de la famille. Certains sont tentés par un poste dans la PME, d’autres se réjouissent de disposer d’un petit pécule en vendant leurs actions. Peu s’intéressent à rejoindre le Conseil d’administration, tâche qui semble plutôt fastidieuse à la génération montante.
Avant de répartir les rôles, il convient de déterminer la valeur des actions en mains de la famille. Au vu du parc immobilier et de véhicules de la PME, les attentes sont élevées. Avec l’appui d’une fiduciaire, le directeur financier utilise la méthode des praticiens. Pour s’assurer que le résultat est correct, il pratique une deuxième évaluation basée sur la valeur de rendement. Pauline et Valentin gèrent la discussion et proposent à chacun de donner son estimation de la valeur de l’entreprise. Le directeur financier présente en détail les comptes d’exploitation et le bilan de la dernière année. Première surprise, le bénéfice net n’est pas aussi mirobolant que certains le croyaient. Il explique ensuite les méthodes de valorisation utilisées et donne la moyenne entre les deux valeurs obtenues.
Grande déception dans la famille: les actions valent environ la moitié du montant estimé! Il faut gérer les émotions et tempérer les attentes déçues. En même temps, l’exercice est nécessaire car il remet les pendules à l’heure. Reprendre un poste dans la direction de l’entreprise n’est pas forcément un cadeau et demande un engagement fort et du professionnalisme.
Afin de trouver une approche rationnelle et équitable, un pacte familial est proposé à tous. Basé sur quelques valeurs communes, il clarifie les conditions pour rester actionnaire ou pour vendre ses actions afin que la PME reste en mains familiales. Chaque membre de la famille peut postuler dans l’entreprise mais sera mis en concurrence avec des personnes extérieures et les salaires seront fixés selon le marché. Il n’y aura pas de passe-droit. La représentation des familles au sein du Conseil fait aussi l’objet d’une discussion animée afin de trouver un bon équilibre. Des émotions fortes apparaissent sur fond de malentendus ou de vieilles disputes mais au moins elles s’expriment. À la fin de la journée, le pacte n’est pas encore signé mais beaucoup d’aspects ont été mis sur la table et permettront dans quelques mois de formaliser les relations complexes entre tous les membres de la famille dans le respect et l'équité.
Quelques pistes de réflexion
Un pacte familial est un outil indispensable pour clarifier les relations dans des familles actionnaires d’une entreprise. Il permet d’assurer la relève, la pérennité de l’entreprise et d’éviter de nombreux conflits sur des aspects matrimoniaux ou successoraux. L’appui d’une personne spécialisée (notaire, avocat, banquier, consultant) est recommandé au vu de l’importance des questions traitées.
Il existe plusieurs réseaux d’entreprises familiales comme, notamment, le Family Business Network, qui permettent d’échanger en toute confidentialité sur ces questions délicates.

*«Gouvernance d’entreprise: l’envers du décor en 100 anecdotes», Dominique Freymond, Editions Châteaux et Attinger, 2023, 265 pages, CHF 34.-