Cet été, «L’Agefi» publie en exclusivité 10 chapitres du livre paru cette année de Dominique Freymond dans lequel il partage son expérience d’administrateur d’entreprise.
Résumé
Deux familles sont actionnaires de cette PME aux activités internationales. La troisième génération est présente sur les trois niveaux de l’entreprise, comme actionnaire, membre du conseil d’administration et de la direction. De quelle manière définir et concilier les différents intérêts des familles pour définir une vision commune?
Anecdote
Germaine, la matriarche d’une des familles, souhaite que les représentants des deux familles se réunissent pour discuter de la gouvernance et de la stratégie de l’entreprise. Les circonstances de la vie ont amené certains sujets à se clarifier d’eux-mêmes. C’est ainsi que, par principe, le directeur général est une personne externe, recrutée selon ses compétences métier et son expérience. Le Conseil d’administration est composé de sept personnes, soit un représentant par famille et cinq indépendants. Particularité, le président, ancien banquier, conseille les deux familles dans le domaine financier. Et le vice-président, avocat, aussi homme de confiance, gère pour les familles certains aspects juridiques et patrimoniaux.
Pour réussir cette démarche délicate, Siméon, modérateur externe, a choisi une démarche en trois étapes et commence en douceur. Il organise une première réunion destinée à clarifier les attentes de chacun face à la démarche. Ensuite, par une présentation détaillée, il met tous les participants au même niveau de compréhension des enjeux de la gouvernance d’une entreprise familiale internationale et de l’élaboration d’une stratégie.
Enfin, dernière étape, pour le prochain séminaire, il propose de les séparer en deux groupes. Réunissant les familles, le premier groupe réfléchira à la situation actuelle de l’entreprise, la vision à dix ans, les attentes et la stratégie à cinq ans, aux facteurs externes d’influence et aux indicateurs les plus pertinents dans la perspective des actionnaires uniquement. Formé des dirigeants non-actionnaires, le second groupe réfléchira aux mêmes cinq thèmes mais dans la perspective de l’entreprise uniquement (intérêts supérieurs de l’entreprise). Siméon recueillera plus d’une centaine de commentaires par thème qu’il classera et anonymisera pour éviter de polariser la discussion. La journée du dernier séminaire sera consacrée à un partage en plénum des travaux des deux groupes, puis à obtenir un accord sur les fondamentaux: mission, valeurs et vision.
Les échanges permettent de clarifier d’autres thèmes ou des questions en suspens mais que personne ne souhaitait mettre sur le tapis. Un des membres de la famille habite dans une magnifique propriété de l’entreprise. Il est clair qu’il doit payer un loyer, mais au prix du marché ou à un prix préférentiel? Pour une candidature à un poste opérationnel, doit-on donner la préférence par principe à un membre de la famille ou le mettre en concurrence? Faut-il privilégier une politique généreuse du dividende ou au contraire réinvestir la plupart des bénéfices dans l’autofinancement de projets? Par des exemples d’autres entreprises familiales, Siméon dédramatise certains thèmes et donne des pistes de réflexion aux participants. Mais une conclusion s’impose: le pacte familial doit être revu, modernisé et complété par d’autres dispositions en relation avec les thèmes abordés dans la stratégie.
Les deux familles ont réussi à clarifier leurs attentes, les conditions cadre de l’évolution de l’entreprise et une vision générale à dix ans. L’étape suivante est dans les mains de la direction qui doit analyser la stratégie d’entreprise afin de déterminer comment elle peut répondre à la stratégie d’actionnaires. Ce sera le thème du prochain séminaire durant lequel il faudra trouver un compromis entre attentes et moyens financiers disponibles dans l’entreprise.
Quelques pistes de réflexion
La réussite d’une telle démarche exige un respect absolu de la confidentialité et des relations d’une grande confiance pour que chacun puisse s’exprimer en toute liberté. Une approche par petites étapes, mélangeant séances en plénum et en groupes de travail, permet de progresser plus efficacement.
Le modérateur externe doit prouver qu’il est digne de confiance et qu’il respectera une confidentialité absolue dans le cadre de ce mandat. Il doit être accepté, sans restriction, par les deux familles dans le cadre de rencontres préalables. Ce processus peut prendre des mois.

*«Gouvernance d’entreprise: l’envers du décor en 100 anecdotes», Dominique Freymond, Editions Châteaux et Attinger, 2023, 265 pages, CHF 34.-