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Quand une «star» empoisonne l’atmosphère d’une entreprise

Un banquier à bout évoque les comportements abrasifs et toxiques d’un «requin» encensé par la direction.

«Pierre m’a décrit l’arrivée de ce collègue, un prodige de l’acquisition qui a effectivement fait grimper les résultats. Mais derrière ces chiffres, il décrit une face bien plus sombre.»
KEYSTONE
«Pierre m’a décrit l’arrivée de ce collègue, un prodige de l’acquisition qui a effectivement fait grimper les résultats. Mais derrière ces chiffres, il décrit une face bien plus sombre.»
Nathalie Brodard
Brodard Executive Search et Brodiance - Fondatrice
31 octobre 2024, 15h00
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Lors d’une récente émission télévisée, on m’a posé une question qui revient souvent: «Recrute-t-on toujours des requins?» J’ai souri en répondant que ce type de profil était de moins en moins recherché. Les entreprises valorisent aujourd’hui d’autres aspects. Mais cela ne signifie pas que les «requins» aient disparu. Ils rôdent encore dans le monde de l’entreprise et, parfois, ils s’installent confortablement en haut de l’échelle hiérarchique, devenant presque intouchables.

Que désigne-t-on par «requin»? Il s’agit de ces individus prêts à tout pour atteindre leurs objectifs, souvent motivés par une promotion, un bonus ou une reconnaissance accrue. Dans ma carrière de chasseuse de talents dans le secteur bancaire, j’en ai croisé plus d’un.

J’en discutais récemment avec Pierre, un banquier chevronné qui m’a sollicitée pour l’aider à quitter son établissement actuel. Pierre, senior respecté, bien établi et loyal, ne cherche ni un poste plus prestigieux, ni un salaire plus élevé. Ce qu’il souhaite avant tout, c’est fuir une atmosphère devenue «toxique», marquée par le comportement d’un collaborateur que ses managers considèrent comme une «star», intouchable.

Ces «requins» affaiblissent non seulement la motivation des équipes, mais compromettent aussi leur productivité et l’engagement à long terme

Nathalie Brodard

Pierre m’a décrit l’arrivée de ce collègue, un prodige de l’acquisition qui a effectivement fait grimper les résultats en un temps record, ce qui lui a valu les faveurs de la direction. Mais derrière ces chiffres, Pierre décrit une face bien plus sombre. Il évoque des comportements abrasifs et toxiques. Ce qui blesse Pierre, toutefois, ce n’est pas seulement le comportement de ce collègue, mais le fait que la direction ferme les yeux.

Ce type de situation n’est malheureusement pas unique. Trop souvent, certaines entreprises succombent au mythe de la «star» et justifient les comportements destructeurs par la performance individuelle. Mais le coût de cette complaisance est élevé. Tolérer ce genre de comportements envoie un message destructeur aux équipes: les résultats chiffrés priment sur les valeurs proclamées. Ces «requins», en empoisonnant l’atmosphère, affaiblissent non seulement la motivation des équipes, mais compromettent aussi leur productivité et l’engagement à long terme, des éléments pourtant essentiels pour une performance durable.

Respect et collaboration, souvent affichés en grandes lettres dans les chartes d’entreprise, deviennent alors des mots vides de sens. Ce sont des talents qui paient le prix de cette culture permissive, en étant contraints à partir.

Ce que m’a raconté Pierre soulève des questions importantes: quels sont les choix réels des entreprises, et quelles sont leurs priorités? Privilégier la performance immédiate ou construire une culture d’entreprise saine, où chacun se sent respecté et valorisé? Et est-ce que cela change lorsqu’on est dans un environnement ultra-compétitif?

Heureusement, la situation depuis quelques années change. De plus en plus d’entreprises prennent conscience de l’importance d’une culture basée sur le respect et l’intégrité, où les comportements toxiques n’ont pas leur place.

A très vite.