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L'immobilier, une bombe politique et financière

Il est temps de traiter la pénurie de logement avant qu'elle ne dégénère.

«Plutôt que de voter sur l’éthique du foie gras, ne ferait-on pas mieux de s’intéresser à étendre nos territoires, par exemple, en négociant des zones franches avec nos voisins, qui auraient tout à gagner?»
KEYSTONE
«Plutôt que de voter sur l’éthique du foie gras, ne ferait-on pas mieux de s’intéresser à étendre nos territoires, par exemple, en négociant des zones franches avec nos voisins, qui auraient tout à gagner?»
Lorenzo Pedrazzini
AMI International (Suisse) - Administrateur
08 mai 2025, 13h02
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Considérez ceci comme le témoignage d’un dinosaure qui navigue depuis vingt ans au moins dans les méandres de l’immobilier en Suisse. Ce qui suit est partagé par les vieux de mon âge (env. 60 ans), ici et ailleurs, puis-je écrire, sans chercher forcément de caution. Dans ces temps pas si vieux, l’immobilier n’était même pas compté dans les catégories de classes d’actifs. A l’université, on nous racontait que c’était de l’obligataire pour retraités. Mais les plus malins comprenaient que les actifs réels (tangible assets) résistaient aux crises, aux guerres, aux épidémies, bien mieux que les emprunts russes.

Sans démonstration statistique probante (il n’y en a pas!) et pour résumer en trois lignes: dans les années nonante, l’investissement immobilier faisait sens pour autant qu’il réponde à trois critères: la plus-value espérée tournait autour de 80% (avant impôts), dans un horizon de trois à cinq ans, avec des mises de fonds propres comprises entre 10 et 15%. Cela signifie que le retour sur fonds propres devait être au pire doublé dans cette période et que le rendement courant des actifs permettait de tenir entre-temps. Des fortunes se sont faites sur ces trois simples critères. C’est très bête et très opportuniste.

En d’autres termes, celui (celle) qui investissait cent espérait quatre-vingt de plus très rapidement. On peut esquisser un graphique de l’effondrement de l’espérance de rendement et des plus-values depuis. Disons, et je ne me trompe sans doute de pas de grand-chose, que l’espérance de plus-value était, par hypothèse et observation, de plus 80% en 1998, puis de plus de 50% en 2010, de plus de 30% en 2015, de moins de 10% depuis 2018, etc. Le lissage de «performance» est spectaculaire depuis. Seule la «masse», c’est-à-dire les montants investis, peut justifier pour les plus riches (ce sont les institutionnels uniquement) des projets d’investissements massifs disons (encore) raisonnés. Pour des miettes.

On a vrai problème de «Lebensraum»! C’est un enjeu social, politique, éthique, esthétique.

Lorenzo Pedrazzini

Evidemment, entre-temps plusieurs facteurs se sont modifiés, sans que personne ne voie venir combien, quand, et pourquoi. Le prix de la dette a été divisé par cinq, en Suisse en particulier. La demande issue de l’immigration (européenne) a crû de 60%. Et en parallèle, la capacité de construire a été réduite de manière significative, faute de place et de multiplications politiques restrictives. Taux d’intérêt réduits à presque zéro, demande exponentielle, alourdissements administratif et fiscal, on a là tous les ingrédients de la hausse des prix. Ce qui devient rare, compliqué, est plus cher. C’est trivial.

On a vrai problème de «Lebensraum» ! C’est un enjeu social, politique, éthique, esthétique. La densification soviétique de nos banlieues se concentre à Chiasso, Winterthur, Bâle et autour du lac Léman où l’on construit des programmes surdimensionnés sans se poser la question de savoir pour qui on construit, avec ou sans panneaux solaires, puisqu’il semble que ce soit l’obsession de certains. C’est un détail. Mais il y a là une bombe politique et financière.

Plutôt que de voter sur l’éthique du foie gras, ne ferait-on pas mieux de s’intéresser à étendre nos territoires, par exemple, en négociant des zones franches avec nos voisins, qui auraient tout à gagner? Les Chinois l’ont fait, pourquoi pas nous?

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