Cet été, L’Agefi publie en exclusivité six extraits du livre d’Olivier Ferrari et Tim Genecand, «La responsabilité sociale des Etats dans les accords bilatéraux»*
La pandémie de Covid-19, prononcée comme état d'urgence de santé publique de portée internationale en janvier 2020 selon l'OMS, a marqué une rupture sans précédent dans le paysage économique mondial. Après cette annonce, tour à tour, les économies et les frontières se sont fermées du jour au lendemain, mettant nos économies sous perfusion pendant plus de deux ans. Les Etats, bien qu'ayant recours à des subventions et des prêts à 0%, n'ont pas pu combattre la baisse de la demande mondiale dans de nombreuses industries et n'ont pas évité une grande récession.
Lorsque l'économie a finalement commencé à se redresser, ce rebond rapide a entraîné une inflation notable. Face à cette montée en flèche des prix, les banques centrales et mondiales ont été confrontées à la difficile tâche de relever leurs taux d'intérêt pour contrer cet effet inflationniste. Cet environnement économique était empreint d'incertitude, avec des marchés nerveux et des perspectives économiques en constante évolution.
Malgré cette atmosphère d'incertitude, le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), le plus vaste accord commercial du monde en termes de PIB, a été signé le 15 novembre 2020. A cette date, de nombreuses économies commençaient à peine à se remettre du confinement provoqué par la pandémie, cherchant des moyens de stimuler le commerce et l'investissement pour compenser les pertes de l'année. La signature du RCEP, juste avant la deuxième vague du pic de la pandémie et en dépit des défis mondiaux, témoigne de l'engagement des pays membres à renforcer la coopération régionale et à créer un environnement commercial propice au milieu de l'une des périodes les plus tumultueuses de l'histoire contemporaine.
Il convient de relever que les signataires du RCEP représentent près de 30% du PIB mondial. Les effets du confinement ont été notables pour l'environnement, entraînant une diminution drastique des émissions polluantes. La baisse du trafic routier, la suspension de nombreux vols et le ralentissement de l'activité industrielle et de la demande énergétique ont entraîné une amélioration temporaire de la qualité de l'air dans de nombreuses villes à travers le monde. Pour la première fois en plusieurs décennies, certaines métropoles ont observé des ciels plus limpides et des eaux plus cristallines. Paradoxalement, alors que la planète bénéficiait d'une pause, les nations s'empressaient de signer le RCEP, l'accord commercial régional le plus monumental de notre histoire. Manifestement, cet accord n'a pas intégré les enseignements éphémères tirés de la pandémie.
Il existe un risque réel que les industries cherchent à s'installer dans des pays où les réglementations sont plus permissives
Olivier Ferrari et Tim Genecand
Le RCEP, en dépit de son importance en tant qu'accord commercial, présente des lacunes notables en matière de protection environnementale. A la différence de nombreux accords commerciaux contemporains, le RCEP ne comporte pas de section spécifiquement consacrée à l'environnement ni de clauses solides sur le sujet. Cette omission pourrait entraîner une augmentation des pratiques non durables, notamment dans les domaines de la déforestation, de la pêche, de l'exploitation minière et d'autres secteurs industriels. Ces actions pourraient intensifier la pression sur certaines ressources, exacerbant davantage la contrainte des ressources disponibles.
Des inquiétudes quant au RCEP persistent en termes de délocalisation des industries polluantes. Etant donné que l'accord englobe 15 pays avec des cadres réglementaires et des engagements environnementaux variés, il existe un risque réel que les industries cherchent à s'installer dans des pays où les réglementations sont plus permissives, ceci afin de réduire les coûts opérationnels, tout en compromettant potentiellement l'environnement. Une telle pratique pourrait non seulement accentuer les disparités en matière de protection environnementale entre les pays membres, mais également exacerber les problèmes écologiques au niveau régional.
Selon les parties signataires, le RCEP est considérée comme un document «vivant» qui pourrait éventuellement élargir les dispositions instituées pour couvrir des questions contemporaines clés telles que les défis économiques, sociaux, environnementaux et climatiques, le développement des compétences, la transformation verte et le développement de centres urbains numériques et intelligents. Toutefois, il faut noter que les parties ont signé un texte actuel qui ne mentionne rien de concret à ce sujet. Les promesses d'adaptations futures peuvent s'avérer être de simples illusions.
*«Responsabilité Sociale des Etats dans les accords bilatéraux, à l’épreuve de la transition durable», Olivier Ferrari et Tim Genecand, éditions Pillet, 2024, 290 pages, CHF 32.-