Cet été, «L’Agefi» publie en exclusivité six extraits du livre d’Olivier Ferrari et Tim Genecand, «La responsabilité sociale des Etats dans les accords bilatéraux»*.
L’industrialisation est une conséquence subsidiaire à la croissance économique. Cela pose de vrais défis environnementaux significatifs nécessitant une approche holistique qui intègre plusieurs parties prenantes: communautés internationales, entreprises ou encore individus. Chaque personne joue un rôle déterminant, car les actions et les choix quotidiens de chacun ont un impact considérable sur les efforts collectifs pour surmonter ces défis.
Historiquement, le concept d’industrialisation a débuté au XIXe siècle avec l’émergence du transport ferroviaire, une véritable disruption au sein de ce secteur, qui a facilité les échanges commerciaux régionaux et sectoriels. Cela a exercé une influence au sein de la production, de la logistique et consommation de l’agriculture, des ressources minières, des armements et réseaux industriels.
Au XXe siècle, l’industrialisation a connu un important essor avec l’apparition du fordisme et du taylorisme. Henry Ford a introduit le concept de production en série, permettant la fabrication de biens à grande échelle. Le taylorisme, issu des réflexions de Frederick Winslow Taylor, est une approche qui introduit des méthodes scientifiques pour gérer le travail et maximiser la productivité. Au cours de cette période prospère, les gouvernements n’ont pas hésité à adopter des politiques encourageant le développement industriel en investissant dans les infrastructures, l’éducation et l’économie nationale.
La libéralisation doit s’accompagner de stratégies adaptées pour en gérer et atténuer des effets non désirables.
Olivier Ferrari et Tim Genecand
La régulation et les échanges se sont matérialisés sous forme de conventions, de traités et d’accords dans un contexte de plus en plus internationalisé. La priorité accordée à l’accroissement économique a souvent outrepassé les préoccupations environnementales, conduisant à une exploitation excessive des ressources naturelles et à des dommages environnementaux significatifs.
Considérant les interrelations complexes entre l’industrialisation et la libéralisation du commerce, il est pertinent d’examiner comment, dans certains cas, ces dynamiques affectent l’environnement. Une étude de l’Université de Chicago publiée en 2020 a examiné l’impact de la libéralisation du commerce sur la déforestation.
En analysant les données de 189 pays de 2001 à 2012, les chercheurs ont observé qu’après la mise en place d’accords commerciaux régionaux, la déforestation a nettement augmenté, de 19% à 26% au-dessus de la moyenne annuelle, surtout dans les trois ans suivant l’accord. Les pays tropicaux en développement ont été particulièrement touchés, avec une augmentation de la déforestation et de l’agriculture.
Le danger réside dans la sensibilité écologique de ces zones, où une biodiversité riche et une importante biomasse de carbone sont menacées. Cette étude souligne le risque que le libre-échange puisse mener à une expansion agricole importante. Ainsi, une approche de libéralisation doit s’accompagner de stratégies adaptées pour gérer et atténuer des effets non désirables.
Le libre-échange peut également avoir un impact significatif sur les océans, notamment sur la faune marine, à travers les activités halieutiques et les réglementations associées. Pour illustrer ce point, prenons l’exemple de l’accord de pêche entre l’Union européenne et le Sénégal, qui a des implications financières importantes, et conformément mis en œuvre en 2014.
Cet accord offre aux flottes européennes des droits de pêche étendus dans les eaux territoriales sénégalaises, en échange d’une contribution financière significative à l’économie de ce pays. La rétribution financière s’échelonne entre 1.668.000 euros et 1.808.000 euros, fluctuant en fonction des années. En contrepartie, des droits de pêche restrictifs ont été attribués: le tonnage de référence s’élève à 14.000 tonnes pour les thonines et 2000 tonnes pour le merlu noir.
L’accord prévoit également une allocation de 750.000 euros par an destinée à appuyer le développement de la politique sectorielle des pêches du Sénégal. Le but est d’encourager l’élaboration de la politique nationale de pêche du Sénégal, y compris la recherche scientifique, la surveillance et la lutte contre la pêche illicite. Cet arrangement a entraîné des conséquences délétères, il a facilité une surexploitation des stocks de poissons. Ceci a engendré des répercussions graves sur l’écosystème marin ainsi que sur les communautés locales dont la subsistance dépend de la pêche.
*«Responsabilité Sociale des Etats dans les accords bilatéraux, à l’épreuve de la transition durable», Olivier Ferrari et Tim Genecand, éditions Pillet, 2024, 290 pages, CHF 32.-