Le 9 février, le peuple suisse se prononcera sur un unique objet: l’initiative dite de responsabilité environnementale. Les initiants exigent que l’économie helvétique respecte les «limites planétaires» dans un délai de dix ans. La plus connue des limites est la concentration de gaz à effet de serre pour laquelle nous visons la neutralité. Si l’objectif est largement partagé, le délai de mise en œuvre apparaît totalement irréaliste.
Entre 2000 et 2018, l’impact environnemental par personne en Suisse a diminué de 26%. Une application stricte de cette initiative nécessiterait un effort presque trois fois plus important en deux fois moins de temps. Un tel changement drastique ne pourrait se concrétiser que par l’imposition d’interdictions strictes et par une hausse massive des prix de certains biens et services.
Trois quarts des entreprises prévoient d’investir au cours des deux prochaines années pour réduire leur impact environnemental et leurs émissions de CO2
Vincent Subilia
L’approche incitative, privilégiée jusqu’à présent, a prouvé son efficacité. L’économie nationale a progressé tout en réduisant son empreinte écologique de plus d’un quart. Ce modèle permet aux entreprises d’innover et d’investir dans des technologies plus propres. Pour rappel, en 2022, les entreprises ont consacré plus de 2,2 milliards de francs suisses à la protection de l’environnement, selon l’Office fédéral de la statistique. Cette dynamique s’accélère: une enquête du Centre de recherches conjoncturelles KOF révèle que plus de trois quarts des entreprises prévoient d’investir au cours des deux prochaines années pour réduire leur impact environnemental et leurs émissions de CO2.
Si la volonté d’agir pour l’environnement est louable et largement partagée, il est essentiel de préserver les conditions cadres qui soutiennent l’innovation et la compétitivité. L’initiative pourrait atteindre ses objectifs, mais au prix d’une dégradation significative de notre qualité de vie et de la suppression de nombreux emplois. Ce texte risque donc d’être contre-productif. Peut-on raisonnablement demander aux citoyens de se mobiliser pour le climat alors que l’inflation et le chômage pourraient atteindre des niveaux critiques? Au contraire, c’est avec une économie robuste et l’adhésion de la population que ce défi majeur pourra être relevé.
De nombreuses mesures ont déjà été mises en place dans l’arsenal législatif suisse. Des objectifs clairs tels que la neutralité carbone à l’horizon 2050 ont été fixés. Ces délais sont indispensables: rénover l’ensemble du parc immobilier et transformer nos modes de transport demandera des décennies. La production d’énergies renouvelables s’accélère et des subventions sont disponibles pour aider les entreprises à développer des solutions innovantes, conciliant qualité de vie et respect de l’environnement.
Aujourd’hui, la Suisse vit au-dessus des limites que la Terre peut supporter. Le 9 février, la Suisse devra choisir entre une transition progressive et un changement brutal. Sommes-nous prêts à imposer des sacrifices massifs ou préférons-nous avancer ensemble vers un avenir durable?