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Pourquoi 2023 fut une mauvaise année pour les investissements

La hausse des taux d’intérêt n’explique pas à elle seule la frilosité des entreprises. La cause vient d’ailleurs. Par Cédric Tille

«La remontée du taux réel en 2023 s’est en effet accompagnée de la baisse des investissements, mais ceux-ci étaient une source soutenue de croissance jusqu’en 2018, alors que le taux réel était plus élevé qu’actuellement.»
KEYSTONE
«La remontée du taux réel en 2023 s’est en effet accompagnée de la baisse des investissements, mais ceux-ci étaient une source soutenue de croissance jusqu’en 2018, alors que le taux réel était plus élevé qu’actuellement.»
Cédric Tille
Graduate Institute Geneva - Professeur d’économie
14 mars 2024, 19h00
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Les investissements des entreprises se sont nettement contractés en 2023, alors qu’ils s’étaient bien portés sur les deux années précédentes. La baisse de l’année passée est similaire à celle de la crise Covid, mais demeure bien plus faible que la chute lors de la crise de 2008. Elle reflète deux facteurs, à savoir la hausse des taux d’intérêt réels et surtout une confiance diminuée des entreprises dans les perspectives conjoncturelles.

Quelles sont les sources récentes de croissance?

La croissance de l’économie suisse a connu un net ralentissement en 2023, se montant à seulement 0,8% contre 2,7%. Le graphique ci-dessous montre les contributions à la croissance totale venant de la demande domestique (consommation privée et publique, et investissement, barres rouges), des stocks (barres grises) et de la balance commerciale (barres vertes).

Par exemple, la valeur de 2,3% pour la barre rouge en 2022 indique que si seule la demande finale avait augmenté lors de cette année, sans changements de stocks ni de balance commerciale, le PIB aurait augmenté de 2,3%. Nous constatons que le ralentissement de l’année dernière reflète essentiellement une faiblesse de la demande finale.

Pourquoi 2023 fut une mauvaise année pour les investissements

Pour y voir plus clair, nous pouvons décomposer la demande finale entre ses trois composantes, comme le montre le graphique ci-dessous. Le ralentissement de 1,8 point de pourcentage de la contribution à la croissance est partagé entre la consommation publique (barre bleue), qui a continué à augmenter mais à un rythme moins soutenu (baisse de 1 point entre 2022 et 2023), et l’investissement qui a diminué après s’être bien porté en 2022 (baisse de 0,8 entre les deux années, barres rouges et jaunes). La contraction actuelle est similaire à celle de 2020 lors de la crise Covid, mais reste bien en deçà de la chute de 2009 lors de la crise financière.

Si le décrochage entre 2022 et l’année passée reflète essentiellement les investissements en machines et équipements (barres rouges), il ne faut pas en conclure que l’activité de construction est plus robuste, car celle-ci montre une faiblesse sur la durée, se contractant depuis 2019 (barres jaunes).

Pourquoi 2023 fut une mauvaise année pour les investissements

Quelles sont les causes de la faiblesse de l’investissement?

Parmi les facteurs jouant un rôle dans les décisions d’investissements, le graphique ci-dessous en illustre deux. Il contraste la contribution de l’investissement à la croissance (ligne rouge) avec le taux d’intérêt réel sur les emprunts à fins d’investissement (ligne jaune, maturité de 5 ans), et l’indicateur de confiance calculé mensuellement par le Seco (ligne bleue, moyenne annuelle). Le taux d’intérêt réel ne peut être calculé que depuis 2013, car il repose sur les anticipations d’inflations à 5 ans, lesquelles ne sont pas disponibles auparavant.

La confiance des entreprises dans les perspectives conjoncturelles est aussi un élément important.

Cédric Tille

La figure montre que le taux d’intérêt joue un rôle, mais qu’il n’est pas le seul facteur. La remontée du taux réel en 2023 s’est en effet accompagnée de la baisse des investissements, mais ceux-ci étaient une source soutenue de croissance jusqu’en 2018, alors que le taux réel était plus élevé qu’actuellement.

La confiance des entreprises dans les perspectives conjoncturelles est aussi un élément important. Si les entreprises restaient confiantes en 2022, leur appréciation s’est nettement péjorée depuis lors. Le faible niveau de l’indicateur de confiance est similaire à celui observé en 2020 (crise Covid), 2015 (abandon du taux plancher face à l’euro), et 2012 (crise de la zone euro). La santé de la demande intérieure suisse va donc dépendre d’un regain de confiance des entreprises. Si les derniers chiffres de l’indicateur du Seco montrent une légère amélioration, la confiance reste encore fragile.

Pourquoi 2023 fut une mauvaise année pour les investissements