LA CHRONIQUE DU CLUB DIPLOMATIQUE DE GENÈVE
Depuis mars 2024, la Suisse s’est engagée dans des négociations visant à actualiser et enrichir les accords bilatéraux régissant ses relations avec l’Union européenne (UE). Ces discussions portent sur des domaines déjà établis tels que les transports aérien et terrestre, la libre circulation des personnes, la reconnaissance mutuelle et les produits agricoles, mais aussi sur de nouveaux secteurs stratégiques: électricité, sécurité alimentaire, santé, aides d’Etat, participation aux programmes européens, et contribution suisse à la cohésion européenne.
Bien que le résultat final des négociations ne soit pas encore connu, certains éléments clés se dessinent déjà. Il convient, à ce stade, d’identifier les principaux défis à relever, ce qui nécessite au préalable de faire le point sur l’état des négociations.
Les Bilatérales III introduiront des mécanismes institutionnels visant à consolider les accords existants et futurs d’accès au marché, notamment dans des domaines tels que l’électricité et la sécurité alimentaire, tout en assurant une actualisation régulière de leur contenu par le biais de la reprise dynamique du droit de l’UE.
La Suisse, quoique exclue du processus de décision (decison-making), pourra néanmoins participer à l’élaboration des règles européennes dans les domaines qui la concernent (decision-shaping). Les différends entre la Suisse et l’UE seront portés devant le comité mixte, qui cherchera une solution politique acceptable par les deux parties. A défaut de solution, le litige pourra être soumis à un tribunal arbitral, dans lequel siégera un représentant suisse.
Une clause de non-régression dans la reprise du droit de l’UE en ce qui concerne la protection des salaires a pu être intégrée
Christine Kaddous
La Suisse vise également dans ces négociations le retour progressif des chercheurs suisses dans le programme Horizon Europe et une participation à partir de 2027 à Erasmus+. Pour la libre circulation des personnes, la Suisse a pu faire valoir une limitation du droit à l’aide sociale des travailleurs étrangers sans emploi après un délai déterminé. Une clause de non-régression dans la reprise du droit de l’UE en ce qui concerne la protection des salaires a pu être intégrée.
Toutefois, la demande suisse d’une clause de sauvegarde unilatérale semble inacceptable pour la Commission européenne et la plupart des Etats membres. Cela ne devrait toutefois pas exclure que des critères soient négociés en vue d’appliquer la clause de sauvegarde existante. Enfin, la contribution financière suisse à la cohésion est, elle, encore en négociation.
On le voit bien. De nombreux défis sont posés par les Bilatérales III. En voici quelques-uns. Le risque d’un accroissement des flux migratoires est pesant, d’où la nécessité de mettre en place des mesures de sauvegarde sur la libre circulation. Une politique d’asile plus stricte serait essentielle pour répondre aux préoccupations de la population. La reprise dynamique du droit de l’UE dans les secteurs où la Suisse bénéficie d’un accès au marché ne doit pas compromettre les principes fondamentaux du régime constitutionnel suisse, lequel doit être pleinement préservé avec sa démocratie directe et son fédéralisme. La participation financière de la Suisse à la cohésion européenne représente un sujet sensible nécessitant un équilibre entre engagements européens et intérêts nationaux.
Les Bilatérales III devront aussi être appréciées à la lumière des avantages procurés aux entreprises suisses, en créant un espace de sécurité juridique propice au développement des affaires, tout en assurant un accès facilité au marché intérieur de l’UE
Christine Kaddous
Les réponses qui seront apportées à ces défis dans le cadre des Bilatérales III devront être appréciées à la lumière des avantages que ces mêmes accords pourraient procurer aux entreprises et opérateurs économiques suisses, en créant un espace de sécurité juridique propice au développement des affaires, tout en assurant un accès facilité au marché intérieur de l’UE. La réintégration de la Suisse dans les programmes européens pourrait renforcer les collaborations internationales et les perspectives d’innovation, des atouts précieux pour les entreprises suisses. Enfin, la Suisse conserverait son autonomie pour diversifier ses partenariats économiques à travers le monde, comme elle l’a déjà fait avec la Chine et l’Inde.
A chacun de se faire sa propre opinion à la fin des négociations et, le moment venu, devant les urnes...