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Le mythe de l’intelligence artificielle

L’IA ne fait rien d’autre que de comprimer dans le temps l’exécution d’un programme conçu par un cerveau humain. Par Jacques Neirynck

Qu'est-ce qu'une IA? «Il ne s’agit ni plus, ni moins que d’un automate programmé, comme il s’en est construit dès le XVIIIe siècle sur la base d’une technologie mécanique.»
KEYSTONE
Qu'est-ce qu'une IA? «Il ne s’agit ni plus, ni moins que d’un automate programmé, comme il s’en est construit dès le XVIIIe siècle sur la base d’une technologie mécanique.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
07 mai 2024, 18h00
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Lorsque le mot intelligence artificielle (IA) occupa l’actualité médiatique en Europe, la première réaction fut de brasser des mises en garde et d’envisager des réglementations. C’est un indice de vieillissement culturel de se sentir menacé par les éventuels dangers d’un progrès technique, alors que d’autres cultures (Etats-Unis ou Chine) en spéculent les bénéfices, s’y consacrent avec enthousiasme et s’inscrivent en tête de l’évolution technique.

Au fur et à mesure que les performances quantitatives de l’ordinateur numérique augmentent, il simule de mieux en mieux son plus vieux concurrent et son géniteur, le cerveau humain, au point que ce dernier puisse se sentir maintenant menacé. Or, l’ordinateur numérique ne constitue qu’une machine à traiter l’information parmi beaucoup d’autres, une prothèse possible du cerveau, qui est quasiment son contraire. Il possède 100 milliards de processeurs spécialisés au lieu d’un seul banalisé; le codage de l’information est numérique pour le premier et analogique pour le second; il y est contrôlé par l’apprentissage au lieu d’un programme; sa mémoire est associative et non adressable.

Il existe une catégorie de tâches purement mathématiques auxquelles le cerveau est mieux adapté que l’ordinateur: des problèmes, dont l’algorithme de solution est connu mais dont la durée d’exécution par l’ordinateur est trop longue. Le cerveau réussit à proposer des solutions, qui ne sont pas les meilleures, mais qui ont le mérite d’être satisfaisantes en pratique.

L’ordinateur s’enferre parce qu’il vise à trouver la solution optimale, en traitant en série une masse d’informations

Jacques Neirynck

Dans la vie de tous les jours, nous n’avons pas besoin de la meilleure solution et nous n’avons pas le temps de la chercher. L’ordinateur s’enferre parce qu’il vise à trouver la solution optimale, en traitant en série une masse d’informations. Mieux vaut trouver une solution acceptable dans un temps limité que de perdre du temps à trouver la solution idéale. L’ordinateur bat le cerveau là où celui-ci est faible, la multiplication de deux nombres de six chiffres; il peut être battu ailleurs mais il étend son champ de réussite au fur et à mesure de ses progrès quantitatifs.

La réaction inquiète, d’ordre philosophique, qui semble apparaître face à la survenue de l’IA ne serait-elle pas l’avatar du vieux débat de fond entre matérialistes et dualistes, l’existence ou non d’un esprit ou âme, entité immatérielle, capable d’agir sur le cerveau? Sous-jacente à ces questions, revient l’interrogation fondamentale: toute notre activité intellectuelle est-elle réductible au fonctionnement du cerveau? Les dualistes répondent catégoriquement non, les neurologues par un oui réfléchi. Si l’ordinateur commence à réaliser des tâches autrefois résolues exclusivement par le cerveau, ne serait-il pas doté de conscience?

La première circonspection dépassée, on comprendra que l’IA ne fait rien d’autre que de comprimer dans le temps l’exécution d’un programme conçu par un cerveau humain. Son comportement est prévisible: il ne s’agit ni plus ni moins que d’un automate programmé, comme il s’en est construit dès le XVIIIe siècle sur la base d’une technologie mécanique. En passant à une technologie électronique, on a modifié de façon quantitative, mais non qualitative, le comportement de l’automate.