• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

La rencontre des extrêmes

L’initiative sur l’approvisionnement électrique soumise au scrutin populaire en juin risque de profiter aux extrémités du spectre politique. Par Jacques Neirynck

La loi sur l’électricité qui sera soumise au vote populaire vise à la fois la sécurité de l’approvisionnement et la décarbonation.
KEYSTONE
La loi sur l’électricité qui sera soumise au vote populaire vise à la fois la sécurité de l’approvisionnement et la décarbonation.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
30 avril 2024, 15h00
Partager

Le 9 juin, le peuple se prononcera sur une loi, dite «pour l’électricité», qui a provoqué une initiative de défenseurs de l’environnement. Or, cette loi vise à accroître la production décarbonée d’énergie sur le territoire national, ce qui constitue le concept primordial du contrôle climatique. Comment peut-on s’afficher pour et s’engager contre cet objectif? Il n’y a que deux explications possibles. Soit que l’on ne comprenne pas vraiment les données du problème, soit que l’on vise un tout autre objectif qui consiste à se faire élire par ceux qui ne les comprennent pas.

Ce genre d’ignorance, réelle ou composée, se retrouve aux deux extrémités du spectre politique, dans le populisme et dans l’extrême gauche, qui ont en commun une analyse similaire de nos difficultés actuelles. Pour les premiers, tout est la faute des étrangers qu’il faudrait ne pas accueillir; pour les seconds, tout est la faute des riches qu’il faudrait déposséder; pour les deux, c’est la faute des autres, et pour les ignorants des deux côtés, c’est la faute des «sachants».

La votation du 9 juin opposera les partisans de la réalité aux adeptes des illusions lénifiantes, des mensonges effrontés et de l’inconscience

Jacques Neirynck

Si ces derniers prétendent qu’il y a une urgence climatique, qu’elle provient de l’émission de gaz à effet de serre et qu’en conséquence l’énergie consommée ne doit provenir que de sources renouvelables, tous ces faits deviennent suspects. En fait, les solutions consistent à récupérer l’énergie solaire et hydroélectrique, ou à déployer des éoliennes et des centrales photovoltaïques. Elles proviennent de nos exigences de survie, car nous faisons aussi partie de l’environnement et nous sommes même, à nos yeux, l’espèce qui compte le plus. Mais toutes modifient fatalement le paysage.

La votation du 9 juin opposera d’une part les partisans de la réalité, avec son caractère contraignant et déplaisant, et d’autre part les adeptes des illusions lénifiantes, des mensonges effrontés et de l’inconscience. En se plaçant aux extrémités de l’échiquier politique, ces partis se dispensent de la nécessité de gouverner et jouissent de l’espace illimité de la démagogie, qui apporte des bénéfices électoraux ordinaires.

Il demeure le centre parlementaire, chargé du fardeau de l’exécutif. Pour justifier sa position, il est contraint de maintenir un discours pondéré, complexe et exigeant. Tel est le véritable enjeu de la votation: une fois de plus, on votera au fond pour ou contre la démocratie, c’est-à-dire la croyance que le peuple dans sa majorité est capable de prendre des positions éclairées, que c’est le moins mauvais de tous les régimes, qu’il est efficace car il tient compte de la réalité et non des fictions.

L’issue dépendra des moyens de communication: au départ de la formation scolaire, dans l’âge adulte des canaux d’information, confrontés aux moyens de la désinformation par les tuyaux incontrôlables de l’espace numérique. Si un Trump et un Poutine gardent ou reprennent le pouvoir, leurs discours retentiront jusque dans nos campagnes, en achetant au sens le plus cru du terme la complicité ou le silence des influenceurs. Tel est l’enjeu inlassablement renouvelé de la démocratie, refuge de la rationalité dans un monde irrationnel, violent, menteur.