Le Tessin industriel, à vocation internationale et très orienté vers les exportations, est peu connu. C’est pourtant un tissu économique général très diversifié et dynamique. Mais qui, à tort, est parfois considéré comme pauvre, surtout lors de la publication des enquêtes de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur la structure des salaires en Suisse. La dernière concernant ceux en 2022 a relancé la polémique sur la masse salariale tessinoise, qui serait inférieure de 18 à 20% à la moyenne nationale. Mais les choses sont-elles vraiment ainsi? Pas vraiment.
Certes, une différence salariale existe, mais pas dans les proportions que l’on voudrait nous faire croire. En partie cela est dû à des questions structurelles, notamment en raison d’une forte présence de secteurs dans la tranche des salaires moyens et moyens inférieurs, par exemple la restauration, les services d’hébergement et le commerce de détail. Cela ne signifie pas que l’économie tessinoise soit faible, mais simplement que certains secteurs ont un poids spécifique lequel, dans d’autres cantons, est relativisé par la présence de grandes structures, souvent multinationales.
En plus, l’OFS compare des pommes avec des poires. En effet, le Tessin est considéré comme grande région en tant que telle, et est donc mis en relation directe avec des groupes de cantons comme l’Arc lémanique ou la Suisse du Nord-Ouest. Une comparaison entre cantons donnerait sans doute des résultats différents, comme le démontre le fait que le Tessin, dans le classement intercantonal, figure au 8e rang en termes absolus de PIB par habitant. Par ailleurs, si l’on sépare les salaires des frontaliers en considérant uniquement ceux des résidents, la différence salariale avec le reste de la Suisse est réduite à 8-10%.
Depuis l’introduction du salaire minimum, il y a une augmentation des salaires dans les fonctions inférieures, traditionnellement occupées surtout par des travailleurs frontaliers, au détriment de la catégorie des cadres inférieurs, où l’on trouve plutôt des résidents
Luca Albertoni
En quoi ces éléments peuvent-ils intéresser les autres régions suisses, notamment les cantons romands? Pensons au salaire minimum, obligatoire au Tessin depuis quelques années. Depuis l’introduction de cet instrument, il y a une augmentation des salaires dans les fonctions inférieures, traditionnellement occupées surtout par des travailleurs frontaliers, au détriment de la catégorie des cadres inférieurs, où l’on trouve plutôt des résidents. Il s’agit des premiers effets pervers de l’introduction du salaire minimum. Une leçon importante pour toutes les régions.
Un autre élément est important dans le contexte des salaires et de la question du pouvoir d’achat. Selon l’opinion dominante, la diminution de ce dernier serait liée avant tout au fait que les salaires n’augmenteraient pas suffisamment. On néglige toutefois l’augmentation exponentielle des coûts, mais pas uniquement ceux qui sont souvent objet de discussion comme les primes des assurances maladies.
Si l’on considère par exemple les taxes, dont on parle relativement peu par rapport aux impôts, on peut constater des augmentations importantes pour les prestations étatiques dans différents domaines. L’escalade de ces taxes causales en Suisse est illustrée par le rapport Financement par les impôts ou les redevances en 2021 du Département fédéral des finances (DFF), publié en novembre dernier. Par exemple, dans la rubrique Offices de la circulation routière (paiements pour les permis de conduire, les immatriculations et les contrôles techniques), alors que l’indice moyen national est de 119%, le Tessin est en tête du classement, avec 162%, suivi de Genève avec 154%. Dans notre canton, l’indice est passé de 116% en 2008 à 162% en 2021.
L’érosion progressive des salaires due aussi à l’augmentation constante des dépenses du secteur public est une réalité. Un problème aigu au Tessin, que nous considérons comme important de partager avec les amis romands.