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La malbouffe n’aura pas le dernier mot

Il faut donner aux consommateurs de quoi faire leurs choix en connaissance de cause, et donc défendre le nutri-score.

«Utilisé dans huit pays européens, le nutri-score classe les aliments en cinq catégories en fonction de leur apport calorique et de leurs teneurs en sucre, en sel, en graisses saturées, en fibres et en protéines.»
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«Utilisé dans huit pays européens, le nutri-score classe les aliments en cinq catégories en fonction de leur apport calorique et de leurs teneurs en sucre, en sel, en graisses saturées, en fibres et en protéines.»
René Longet
Expert en développement durable
09 avril 2025, 14h35
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Nous mangeons, en moyenne de la population, trop sucré, trop salé, trop de denrées transformées, trop de charcuterie, trop de graisses saturées et de céréales raffinées. Et trop de tout. Pas assez, en revanche, de légumineuses, riches en protéines, de légumes, de fruits, d’oléagineux. Ces constats sont aujourd’hui consensuels et se retrouvent dans des documents validés par les professionnels, comme la pyramide alimentaire établie par la Société suisse de nutrition et validée par la Confédération.

Les choix alimentaires sont reconnus comme un des déterminants les plus importants de la santé. Une étude scientifique parue en 2023 estimait à 14.000 milliards de dollars les externalités négatives de l’agroalimentaire mondial en termes de santé humaine (60% du montant) et de santé de l’environnement (40%). Dans Pour une transformation des systèmes agroalimentaires, connaître le coût véritable des aliments, paru la même année, la FAO, l'Organisation de l'Onu pour l'alimentation et l'agriculture, annonçait des chiffres du même ordre, à savoir 12.700 milliards.

Achevé en 2020, le programme national de recherche Alimentation saine et production alimentaire durable (PNR 69) avait souligné que «les régimes alimentaires prévenant les maladies chroniques et dégénératives sont aussi bénéfiques pour l’environnement»: santé humaine et santé de la Terre vont de pair. Dans son rapport Orientation future de la politique agricole de juin 2022, le Conseil fédéral relevait que «la population suisse se nourrit de manière non équilibrée, consommant trop de sucre, de sel, d’alcool, de graisses animales et de viande, et pas assez de produits laitiers, de légumineuses, de fruits et de légumes». Ces constats l’ont conduit, en septembre 2023, à proposer une meilleure relation entre sources de protéines animales et végétales.

Ce n’est pas parce qu’un produit est labellisé Appellation d'origine protégée (AOP) que sa consommation est aussi saine.

René Longet

Ces évidences n’ont pas empêché un intense lobbying contre un étiquetage des qualités nutritionnelles des denrées alimentaires, le nutriscore. Se présentant graphiquement comme ces étiquettes énergie appliquées aujourd’hui tant pour des équipements ménagers que pour des bâtiments, il est utilisé dans huit pays européens et classe les aliments en cinq catégories en fonction de leur apport calorique et de leurs teneurs en sucre, en sel, en graisses saturées, en fibres et en protéines.

Le nutriscore est combattu pas seulement par certains secteurs de l’alimentaire, mais aussi par les tenants des labels d’origine, sous prétexte qu’il discriminerait leurs produits, car ils sont souvent gras ou carnés (ou les deux). C’est oublier que chaque label délivre un message spécifique à son périmètre; en l’occurrence, l’un cible la santé, l’autre l’origine et ils sont complémentaires. Ce n’est pas parce qu’un produit est labellisé Appellation d'origine protégée (AOP) que sa consommation est aussi saine; manger trop de charcuterie ou de fromages n’est pas une bonne idée, qu’ils soient AOP ou non.

Certes il serait judicieux de réglementer davantage les produits malsains, ultratransformés, à mauvais contenus nutritionnels. Mais commençons déjà par donner aux consommateurs de quoi faire leurs choix en connaissance de cause. En Suisse, 350 professionnels de la santé viennent de demander à un grand distributeur qui avait renoncé au nutriscore de revenir sur sa décision. Ce serait une belle action pour réduire les coûts de la santé!