• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Ecologie, attention au recul

Devant l’avancée des populistes dans l’électorat, les projets pour sauver la planète sont affaiblis, voire stoppés. Par René Longet

Face au choc de la révolte paysanne, les dirigeants politiques «ont fait volte-face en un rien de temps».
KEYSTONE
Face au choc de la révolte paysanne, les dirigeants politiques «ont fait volte-face en un rien de temps».
René Longet
Expert en développement durable
25 avril 2024, 15h00
Partager

On se rappelle de la sortie de Nicolas Sarkozy: «L’environnement ça commence à bien faire.» Sauf que c’était un de ses coups de gueule dont il avait l’habitude, et que c’était il y a 15 ans.

Aujourd’hui, alors que la crise écologique devient une évidence avec six des neuf limites planétaires désormais franchies, cette phrase semble devenir la ligne politique dominante des pays industrialisés. Devant l’avancée apparemment inéluctable des populistes dans l’électorat, dont un des points communs est d’être radicalement anti-écologiques et opposés au multilatéralisme seul apte à traiter des enjeux dépassant les Etats, les retours en arrière s’accumulent.

Cela a commencé en été dernier, quand les engagements pris par l’Union européenne à la COP 15 de la Convention sur la biodiversité n’ont été acceptés par le parlement européen que d’extrême justesse et moyennant bien des affaiblissements. En automne a suivi le report du règlement sur le contrôle des substances chimiques, qui continuent de s’accumuler le long des chaînes alimentaires. Puis à la fin de l’hiver, la saga de la révision à la baisse de la responsabilité des entreprises à l’égard de leurs sous-traitants, pourtant un levier clé pour corriger les dérives de la mondialisation.

La révolte paysanne, un signe des temps?

Et maintenant, c’est au «verdissement» de la Politique agricole commune (PAC) d’être démantelé en quelques jours. Plus besoin de prendre soin de la biodiversité fonctionnelle (insectes, oiseaux, haies, zones humides, jachères), il s’agit de produire encore et toujours plus. Pour qui, pour quoi? Exporter vers les pays du Sud c’est affaiblir leur agriculture. Chez nous, nous ingérons en moyenne un tiers de calories de trop – et dans le monde, un tiers de ce qui se produit est perdu entre la «fourche et la fourchette».

Certes, il y a eu le choc de la révolte paysanne. Mais le plus choquant a été l’absence complète d’explication, par les dirigeants politiques, de la raison d’être du verdissement. Honteux de leurs propres décisions, comme des malfaiteurs pris la main dans le sac, ils ont fait volte-face en un rien de temps.

Seul reste encore debout le pilier climatique du Pacte vert. Mais il est fragilisé par les réticences importantes face aux éoliennes et à la voiture électrique. Même certains écologistes s’y mettent, évoquant le drame de l’extractivisme, comme si l’économie circulaire ne pouvait pas s’imposer dans l’usage de métaux par nature recyclables, de plus à meilleur coût énergétique.

La transition est rentable mais on ne veut pas le savoir

Aux Etats-Unis, une véritable guerre de religion écrase la tendre pousse de la finance durable. Des Etats ont légiféré pour interdire les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), arguant que le seul objectif des entreprises est de maximiser leurs bénéfices financiers, le reste étant supposé venir de surcroît. La réalité écologique et la montée de la précarité et des inégalités soulignent pourtant que ce n’est pas le cas. D’autres boycottent les fonds excluant le fossile de leurs portefeuilles.

Tout est question d’état d’esprit: tant qu’on considérera l’écologie et le social comme une dépense et non un investissement, un coût et pas un bénéfice, on confondra les fins et les moyens. Transition, occasion ratée? Ce serait bien dommage, car contrairement aux lois humaines, celles de la nature ne se discutent pas. Est-ce si difficile de passer de la prédation de la Planète à sa gestion durable? De plus, c’est rentable...