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Energie nucléaire, rien n’est résolu

Ceux qui souhaitent relancer la construction de nouvelles centrales atomiques se trompent. Par René Longet

Le nucléaire risque d'être «l’oreiller de paresse de notre incapacité à prendre nos responsabilités.»
KEYSTONE
Le nucléaire risque d'être «l’oreiller de paresse de notre incapacité à prendre nos responsabilités.»
René Longet
Expert en développement durable
08 mars 2024, 16h19
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Le 21 mai 2017, le peuple suisse adoptait la loi fédérale sur l’énergie révisée, qui interdit la construction de nouvelles centrales nucléaires. Décision prise en connaissance de cause, sachant aussi que les centrales nucléaires en service pouvaient l’être encore pour un bon moment, du moins les deux plus grandes, Leibstadt et Gösgen.

D’aucuns souhaitent remettre en question cette décision, arguant que le courant produit par les panneaux photovoltaïques et les éoliennes (actuellement au nombre de 49, alors que près de 700 étaient prévues et seraient réalisables sans dommages environnementaux particuliers) étant dépendant de la météo, il nous faut une base en «ruban».

La volonté d’électrifier les transports routiers est invoquée pour affirmer que sans le nucléaire on ne s’en sortirait pas.

René Longet

La volonté d’électrifier les transports routiers et de se libérer du fossile pour le chauffage par les pompes à chaleur est invoquée pour affirmer que sans le nucléaire on ne s’en sortirait pas. C’est occulter bien des éléments plaidant en sens contraire. Tout d’abord la complémentarité entre le solaire et l’éolien en termes de saisonnalité et de météo. Ensuite, le fait que le ruban est assuré avant tout par l’hydraulique, qui fournit le double de la production nucléaire, et qui offre par les centrales de pompage-turbinage (comme celles de l’Hongrin ou du Nant de Drance) une sécurité supplémentaire. Enfin, concernant les risques du nucléaire, rien n’est résolu.

Le réacteur nucléaire n’est que la pointe de l’iceberg. Il faut considérer tout le parcours du combustible radioactif, de la mine d’uranium à l’usine d’enrichissement, au stockage et au réacteur, puis au refroidissement du combustible usagé et à son dépôt dit définitif. Sachant qu’à la fin de sa durée de vie, la centrale nucléaire elle-même doit être déconstruite; les expériences faites à ce jour montrent que c’est un processus lent et dispendieux.

Aucun producteur d’électricité (ni aucun assureur) n’a envie de s’y engager.

René Longet

Heureusement en Suisse un effort vers la vérité des coûts a conduit à instaurer deux fonds abondés par les exploitants: celui de désaffectation et celui de gestion des déchets radioactifs. Cette vérité des coûts, ajoutée aux impondérables du nucléaire, fait son effet: aucun producteur d’électricité (ni aucun assureur) n’a envie de s’y engager.

La situation géopolitique n’y incite pas non plus. Dans le monde, il n’y a pas de garantie d’étanchéité entre nucléaire civil et nucléaire militaire, et comme le fossile, l’uranium doit être importé. En termes de risques environnementaux et géopolitiques, ce n’est pas rien…

La question majeure est toutefois celle du besoin. On est loin d’avoir épuisé le potentiel des économies techniquement faisables et de la sobriété dans les usages, les deux approches devant se compléter, notamment pour éviter l’effet de rebond (compensation d’une meilleure efficience des équipements par l’augmentation de leur nombre et de leur usage). Mais en effet, si la volonté dans ce sens manque et si l’on continue à s’opposer, que ce soit en plaine ou en montagne, aux éoliennes et même aux panneaux photovoltaïques, le nucléaire pourra, malgré ses lourds inconvénients économiques et écologiques, venir polluer les consciences. Il sera alors l’oreiller de paresse de notre incapacité à prendre nos responsabilités.