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Pas de transition sans financement

La solution est simple: assurer un juste prix à tous les acteurs de la chaîne de valeur, du producteur au consommateur en passant par la distribution. Par René Longet

Les agriculteurs «n’en peuvent plus et rejettent les dernières venues des normes, le malheur veut que ce soient les normes environnementales.»
KEYSTONE
Les agriculteurs «n’en peuvent plus et rejettent les dernières venues des normes, le malheur veut que ce soient les normes environnementales.»
René Longet
Expert en développement durable
22 février 2024, 15h00
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Voici quelques semaines, miracle à la 28e COP climat: un accord était trouvé, on allait «transitionner hors des énergies fossiles»il était temps! Mais voilà qu’aux manifestations pour le climat ont succédé non pas les collages de mains sur la voie publique mais des blocages massifs de routes par des paysans exaspérés.

Les producteurs n’en peuvent plus et rejettent les dernières normes, le malheur veut que ce soient les normes environnementales. De leur côté, les consommateurs marquent leurs choix en préférant les belles voitures et les voyages lointains aux offres du bio. Tout se passe comme si aucun lien ne parvenait à être fait entre les «fins de mois» de la planète et ceux des individus et des entreprises.

Certaines tendances politiques qui se disent conservatrices saisissent leur chance et mettent de l’huile sur le feu. Mais conservatrices de quoi? De la viabilité de la planète, ou de nos habitudes qui la détruisent? En vue des élections européennes de juin prochain, les formations conservatrices annoncent qu’elles reviendront sur la fin du moteur à explosion en 2035, semant la panique dans l’industrie automobile qui venait de s’orienter vers la voiture électrique, au rendement énergétique bien meilleur. Et pour cet automne, Donald Trump annonce le retrait de son pays de l’Accord de Paris. Des Etats naguère engagés dans la transition comme la Norvège ou la Suède revendiquent leur addiction au fossile.

Les subventions doivent servir non pas à surproduire à un lourd coût écologique et social, mais à garantir un revenu décent aux acteurs d’une alimentation saine

René Longet

Etrange retournement de situation: au moment où le changement climatique devient une évidence, l’opinion rejette les mesures nécessaires pour en limiter les dégâts. Le Pacte vert européen en fait les frais et son volet biodiversité n’a été accepté l’été dernier que d’extrême justesse et de manière édulcorée. Un meilleur contrôle des produits chimiques, en particulier agricoles, n’a déjà plus passé la rampe. Et dans la petite et paisible principauté du Liechtenstein, ce 21 janvier, deux tiers de l’électorat ont balayé l’obligation proposée par les autorités d’équiper de panneaux photovoltaïques les bâtiments neufs qui s’y prêtent.

La révolte paysanne est à la fois l’emblème de ce retournement et montre un chemin de sortie. En effet, les paysans, néerlandais voici quelques mois, français et allemands actuellement, défendent mordicus le système même qui cause leur perte: la course au meilleur marché induite par le productivisme échevelé de l’agriculture industrielle; monocultures, glyphosate, engrais en excès, concentration sans pitié des exploitations…

Alors que la solution est simple: assurer un juste prix à tous les acteurs de la chaîne de valeur, du producteur au consommateur en passant par la distribution. Le financement est là, ce sont les subventions. Elles doivent servir non pas à surproduire à un lourd coût écologique et social, mais à garantir un revenu décent aux acteurs d’une alimentation saine – pour nous comme pour la planète. A ce sujet, la phrase de la COP citée ci-dessus comporte une suite: transitionner oui, mais «de manière juste, rationnelle et équitable». Tout est dit! Car tant que ce qui est positif environnementalement et socialement reste plus cher financièrement, qu’il s’agisse d’économie circulaire, de transports ferroviaires ou d’agriculture durable, la transition récoltera, dans un monde où chacun calcule ses dépenses de près, davantage de refus et de rejet que d’adhésion.