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Le paradoxe de notre alimentation

Quelles bonnes résolutions prendre cette année? René Longet en propose une.

«Le Conseil fédéral souligne qu’une alimentation saine nécessiterait de réduire de 69% la consommation de viande et de 42% celle de sucre.»
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«Le Conseil fédéral souligne qu’une alimentation saine nécessiterait de réduire de 69% la consommation de viande et de 42% celle de sucre.»
René Longet
Expert en développement durable
05 janvier 2024, 14h19
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La période des fêtes est traditionnellement un moment particulièrement consacré à la convivialité et aux plaisirs de la table. Puis vient le moment des bonnes résolutions - souvent aussi, si l’on a un peu abusé de la bonne chère, sur le plan alimentaire. En effet, nous sommes faits de ce que nous mangeons, mais, paradoxe: nous consacrons d’ordinaire très peu de temps à réfléchir d’où vient notre alimentation, qui la produit, et dans quelles conditions économiques, environnementales et sociales.

Un des gestes les plus importants, choisir sa nourriture du jour, est généralement accompli rapidement, sans trop se poser de questions et avec le souhait de ne pas trop impacter notre porte-monnaie. La part de nos dépenses consacrée à renouveler notre organisme et à lui apporter les nutriments dont il a besoin a d’ailleurs passé en un siècle de 30 à 40% à environ 5 à 10%, et le temps que nous lui allouons a chuté dans les mêmes proportions. En partie pour de bonnes raisons: depuis lors, les revenus des ménages ont bien augmenté et les tâches domestiques été facilitées. Mais tout n’est pas réglé pour autant…

La Suisse est un des pays les plus dépendants de l’extérieur pour son alimentation.

René Longet

Avec une capacité d’autoapprovisionnement entre 45 à 50%, la Suisse est un des pays les plus dépendants de l’extérieur pour son alimentation. Cette moyenne est constituée de résultats très variables: 115% pour les produits laitiers (dont une partie peut ainsi être exportée), 85% pour les produits carnés, 50% pour les légumes et 25% pour les fruits.

Toutefois, en passant des 3000 kcal/jour à la valeur généralement recommandée d’environ 2200 kcal, en réduisant le gaspillage (2,8 millions de tonnes de denrées alimentaires perdues annuellement «entre la fourche et la fourchette»), en fermant le cycle du phosphore et en cessant d’importer des tourteaux de soja (un quart de million de tonnes par an) pour engraisser notre bétail, nous pouvons bien améliorer la situation.

Concernant les denrées animales, leur prépondérance résulte de la topographie du pays, mais n’est guère en cohérence avec les recommandations nutritionnelles. Dans un rapport de juin 2022 (Orientations futures de la politique agricole), le Conseil fédéral soulignait qu’une alimentation saine nécessiterait de réduire de 69% la consommation de viande et de 42% celle de sucre. Mais là aussi les marges de manœuvre existent.

Une bonne partie de la viande importée est en effet produite sur le dos de la forêt tropicale, havre de biodiversité et «puits» indispensable de carbone - directement car on l’a transformée en banal pâturage, ou indirectement, car on la rase au profit d’immenses monocultures de soja, qui, au lieu de nourrir les populations, sont exportées pour l’alimentation animale.

Ainsi, si nous nous contentons de la viande issue de nos herbages et refaisons pour notre apport de protéines davantage appel aux légumineuses, nous éviterons cette déforestation importée - et une concurrence déloyale à nos producteurs. Tant ceux-ci que notre santé s’en porteraient mieux!