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Politique agricole suisse: la réponse du berger à la bergère

Le lobby agricole ne voulait pas entendre parler de nouvelles exigences environnementales. Et pourtant... Par René Longet

«Des augmentations de la performance laitière (+ 1,3% par an) sont-elles bien nécessaires, alors que, comme le montre l’exemple bien connu de l’horlogerie, le facteur-clé de notre compétitivité sur les marchés est la qualité?»
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«Des augmentations de la performance laitière (+ 1,3% par an) sont-elles bien nécessaires, alors que, comme le montre l’exemple bien connu de l’horlogerie, le facteur-clé de notre compétitivité sur les marchés est la qualité?»
René Longet
Expert en développement durable
24 août 2022, 8h00
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Quand, en février 2020, le Conseil fédéral présenta au Parlement les perspectives qu’il voyait pour la politique agricole (PA 22+), elles furent peu appréciées de l’Union suisse des paysans. Celle-ci voyait d’un mauvais œil les exigences supplémentaires prévues afin de réduire les impacts écologiques des pratiques agricoles. Rappelons que 55 % du revenu agricole moyen provient du contribuable…

L’examen de la PA 22+ fut ainsi suspendu dans l’attente d’un rapport du gouvernement sur, notamment, «la transformation de la politique agricole en une politique globale visant à promouvoir l’alimentation saine et la production durable de denrées alimentaires». Intitulé «Orientation future de la politique agricole», ce rapport vient de paraître.

Le gouvernement fait – grande première - le lien entre la politique agricole et les préconisations alimentaires

René Longet

En premier lieu, le Conseil fédéral souhaite augmenter notre taux d’autoapprovisionnement, actuellement de 50% en moyenne de toutes les productions. On pourrait ainsi réduire:

les surfaces dévolues aux fourrages animaux et de promouvoir la production de protéines à usage humain («moins de 40% des terres cultivées sont dédiées à l’alimentation humaine»);

les quantités caloriques moyennes ingérées par la population (3100 kcal/personne/an, alors que 2350 suffisent);

le gaspillage alimentaire (2,8 millions de tonnes perdues par an).

Puis, soulignant que «la population suisse se nourrit de manière non équilibrée, consommant trop de sucre, de sel, d’alcool, de graisses animales et de viande, et pas assez de produits laitiers, de légumineuses, de fruits et de légumes», le gouvernement fait – grande première - le lien entre la politique agricole et les préconisations alimentaires.

L’objectif des 2350 kcal passe par une réduction de 69% de la consommation de viande et de 42 % de sucre. Le constat «il convient d’accroître la contribution de la politique agricole à une alimentation saine et durable» résume bien ce propos.

Enfin, le gouvernement entend accroître la compétitivité de l’agriculture. Mais dans quel sens? Des «augmentations de la performance laitière (+ 1,3% par an)» sont-elles bien nécessaires, alors que, comme le montre l’exemple bien connu de l’horlogerie, le facteur-clé de notre compétitivité sur les marchés est la qualité?

Un haut niveau de qualité est également un investissement dans la santé des sols et des eaux - et la nôtre. Afin d’assurer à tous l’accès «à une alimentation saine, nutritive et suffisante» (Agenda 2030, cible 2.1), les subventions à la production (environ 3,5 milliards de francs par an) devraient être accompagnées de subventions ciblées à la consommation.

Au final, le rapport du Conseil fédéral se présente comme la réponse du berger à la bergère, car, alors que le lobby agricole ne voulait pas entendre parler de nouvelles exigences environnementales, ici elles sont non seulement réaffirmées, mais inscrites dans un raisonnement difficilement contestable de santé publique et de meilleure autosuffisance alimentaire.