Devant l’empilement des crises qui caractérise notre époque, la durabilité offre un ensemble de réponses pertinentes et porteuses de valeurs humanistes. Elle est à vrai dire la condition du vivre ensemble sur cette planète, la seule que nous ayons. Grâce à l’Agenda 2030 de l’ONU, ses 17 objectifs de développement durable et ses 169 cibles, nous disposons d’une définition opérationnelle, quantifiée et claire de ce qu’il convient de faire - et de ce à quoi nous nous sommes engagés, à tous les niveaux.
Pour le financement, en théorie tout est simple: cesser de financer ce qui n’est pas durable pour cibler les flux financiers vers ce qui l’est. Et il n’est aujourd’hui plus guère de fonds d’investissement, d’établissement financier, de caisse de pension qui n’ait développé une offre présentée comme durable.
Eviter le greenwashing est essentiel
René Longet
Pour mesurer la durabilité des engagements financiers, un consensus s’est formé autour de l’application d’exigences dans les domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais quelles sont ces exigences? Eviter le greenwashing est essentiel; en se contentant de ravaler la façade, on passe à côté de l’objectif.
L’Union européenne a balisé le chemin en définissant à travers sa taxonomie les contenus du volet environnemental; on attend maintenant ce qui sera retenu pour les deux autres volets. La définition d’un minimum contraignant d’exigences ESG est la clé de la crédibilité de la finance durable, et on ne peut qu’espérer que pour assurer une cohérence globale, l’ensemble soit calé sur les ODD et leurs 169 cibles. Et aux analystes financiers essentiels au fonctionnement de tout acteur financier, il convient d’associer des analystes capables de vérifier le degré de durabilité des demandes de crédits et des projets d’investissements.
Se dessaisir des actifs problèmatiques, c’est se priver de toute possibilité d’influence
René Longet
Reste la question de savoir s’il faut, pour faire évoluer les entreprises vers une meilleure durabilité, doter leur financement de conditionnalités ESG, ou s’il vaut mieux se défaire d’actifs au bilan environnemental et social insuffisant. La seconde option est la plus commode. Mais est-elle aussi la plus efficace? Car se dessaisir de tels actifs, c’est se priver de toute possibilité d’influence alors que le repreneur aura moins de scrupules, et que donc l’impact négatif, s’il a disparu du portefeuille du détenteur initial, va se poursuivre sous l’égide de l’acheteur. Ce n’est évidemment pas ce qu’il faut rechercher.
A travers ces innovations s’exprime une mue du concept économique, qui passe de l’assimilation fallacieuse de la maximisation du taux de retour sur investissement au bien-être collectif, à l’affirmation que la rentabilité des entreprises ne doit pas être obtenue par la destruction de valeurs écologiques et sociales. Faute de quoi l’économie sape à la fois ses bases d’existence - les fonctionnalités des systèmes naturels et sa raison d’être - répondre à de vrais besoins individuels et sociaux. En ce sens, la finance durable est au cœur de l’indispensable reconnexion de l’économie avec les enjeux de société.