La récente décision de l’Union européenne (UE) de revoir sa réglementation de durabilité marque un tournant décisif dans l’approche environnementale, même si ces annonces doivent encore être confirmées. Elles marquent toutefois un revirement qui semble bien dépasser une simple correction technique en reconnaissant que la surenchère normative étouffe l’économie sans générer de bénéfices tangibles pour l’environnement.
Le paquet Omnibus témoigne de cette prise de conscience de l’UE. En souhaitant réduire drastiquement le nombre d’entreprises soumises aux contraintes de la CSRD et repousser les échéances, Bruxelles reconnaît l’évidence: les entreprises créent de la valeur en agissant, pas en remplissant des formulaires. Ces contraintes administratives détournent des ressources précieuses de l’innovation et des actions concrètes, précisément ce dont nous avons besoin pour relever les défis environnementaux.
Pour la Suisse, ce changement probable de cap européen est une opportunité à double titre. D’abord, une Europe plus compétitive dynamise notre principal partenaire commercial, bénéficiant directement à notre économie. Ensuite, ce virage confirme la justesse de notre modèle économique fondé sur l’innovation et l’efficacité plutôt que sur la bureaucratie.
Plus de 80% des grandes entreprises suisses et 60% des PME appliquent déjà volontairement des processus de diligence raisonnable dans leurs chaînes de valeur mondiales.
Basile Dacorogna
Les faits parlent d’eux-mêmes: une étude récente de la Confédération révèle que plus de 80% des grandes entreprises suisses et 60% des PME appliquent déjà volontairement des processus de diligence raisonnable dans leurs chaînes de valeur mondiales. Ce n’est pas par obligation légale, mais par conviction entrepreneuriale qu’elles agissent, démontrant que l’initiative privée devance souvent la réglementation.
Dans ce contexte, la nouvelle initiative «pour des multinationales responsables» lancée en janvier apparaît non seulement contre-productive mais également déjà dépassée. Inspirée d’un modèle européen en pleine refonte, elle alourdirait inutilement la charge administrative des entreprises dans un environnement déjà en proie à une instabilité grandissante. A force de vouloir être «le premier de classe», la Suisse risquerait de se retrouver une fois de plus bien seule comme la réforme de l’imposition minimale de l’OCDE l’a encore récemment démontré.
La voie suisse doit rester celle de l’équilibre et du pragmatisme. Observons d’abord comment se déploient les mesures européennes révisées avant de nous précipiter dans une surenchère normative. Notre pays a prospéré grâce à un cadre réglementaire intelligent qui stimule l’innovation plutôt que de l’étouffer sous des rapports interminables.
L’expérience prouve que les entreprises sont les meilleures alliées de la transformation écologique lorsqu’on leur donne la liberté d’innover. Chaque franc investi dans la recherche de solutions durables est infiniment plus précieux qu’un franc dépensé en conformité administrative. C’est en libérant l’énergie entrepreneuriale, et non en l’enchaînant, que nous bâtirons une économie durable et compétitive.