C’est malheureusement un peu partout le même malentendu: au lieu de considérer l’écologie comme un investissement dans le maintien des bases de l’économie, on continue à y voir un centre de coûts, supportable pour autant que les moyens financiers soient là pour «se le permettre». Cette erreur de perspective pouvait se comprendre voici quelques décennies encore. Mais avec tout ce qu’on sait aujourd’hui, il devient irresponsable de continuer à opposer écologie et économie.
Il est vrai que le terme de Pacte vert (pour l’Europe) n’était pas le bon. On aurait dû au moins l’appeler pacte de durabilité et conjuguer ensemble durabilité et compétitivité. On ne répétera jamais assez que l’agroécologie permet de concilier productivité sur la durée et emplois, que l’économie circulaire nous aide à maintenir dans le circuit économique des ressources que nous devrons sinon importer, que l’économie d’énergie et les énergies renouvelables (pas que le vent ou le soleil, mais l’eau, la biomasse, la géothermie, la chaleur de l’environnement, le bois...) consolident notre souveraineté et créent bien plus d’emplois que le fossile et le fissile. On peut allonger à l’envi la liste. Mais non, on continue depuis 30 ans à répéter les mêmes fausses certitudes.
On peut toujours simplifier et un arrêt régulier sur image est nécessaire pour faire le bilan de l’efficience et du coût des décisions prises
René Longet
Quant à la simplification, oui on peut toujours simplifier et un arrêt régulier sur image est nécessaire pour faire le bilan de l’efficience et du coût des décisions prises. C’est ce qu’a décidé la Commission européenne pour donner plus d’agilité à l’économie. Son vice-président Stéphane Séjourné déclarait à ce sujet (Le Monde du 27 février): «En Europe, la bureaucratie coûte aux entreprises 150 milliards d’euros par an. En ce début de mandat, on veut en alléger le coût de 37,5 milliards d’euros. On commence par quelques textes, le devoir de vigilance, le reporting extra-financier, la taxonomie et la taxe carbone aux frontières.» Il n’explique pas pourquoi il est impératif de «commencer par» ce qui permet de concilier écologie, social et économie, et de stigmatiser ainsi ce qu’on vient de mettre sur pied.
Simplifier mais comment
Il y a toutefois deux manières de simplifier. Celle prévue par la Commission européenne est essentiellement d’exonérer la plupart des entreprises de se préoccuper des aspects dits extra-financiers; seules les grandes multinationales auraient les instruments pour les attester. L’autre manière serait de travailler sur les contenus.
Je l’ai souligné dans Planète Etat d’urgence, les réponses de la durabilité: qu’il s’agisse des critères ESG de la finance durable («taxonomie») ou des directives sur le reporting et la responsabilité dans le domaine extra-financier, il convient de se limiter à «des indicateurs significatifs et fondés sur l’Agenda 2030, et qui ne soient pas trop nombreux et attestables de manière réaliste.» Vingt-cinq critères clés qu’on peut vérifier valent mieux que 150 où on se perd et où le rapport coût-bénéfice n’y est pas.
Quant à renoncer à la double matérialité dans l’appréciation des critères ESG, c’est perdre en pertinence sans vrai allègement des tâches documentaires. Car à quoi bon limiter son regard à l’impact des contenus ESG sur l’entreprise et rester dans l’ignorance des impacts de l’entreprise sur ces mêmes contenus?
Au lieu de s’aligner sur l’Amérique de Donald Trump en gommant toutes ses avancées et ses engagements, l’Union européenne ferait mieux de chercher à les inscrire dans des normes ISO, ce qui aurait l’avantage, vu leur valeur universelle, de mettre chaque pays devant ses responsabilités.