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Réglementation verte, l’heure est au pragmatisme et à l’action

Le projet Omnibus de l’Union européenne est le bienvenu. Mais que signifie-t-il pour la Suisse?

«Comme le montre le Carbon Disclosure Project, seules 100 entreprises sont responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1998.»
KEYSTONE
«Comme le montre le Carbon Disclosure Project, seules 100 entreprises sont responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1998.»
Marie-Laure Schaufelberger
Pictet - Head of Group Sustainability
11 mars 2025, 19h00
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Ces dernières semaines, les regards étaient tournés vers la publication du projet Omnibus de l’Union européenne (UE), une proposition législative visant à rationaliser et simplifier la réglementation verte. L’ampleur des changements proposés est maintenant connue.

La proposition vise à réduire drastiquement – de plus de 80% – le nombre d’entreprises soumises à l’obligation de divulguer les risques et les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance de leurs activités. Il est indéniable que cet allègement entraînera une diminution de la transparence et de la comparabilité des informations à disposition des investisseurs, nécessaires à une bonne prise de décision sur le long terme. Il faut cependant se rendre à l’évidence qu’en l’état, la réglementation actuelle est trop lourde et trop complexe pour beaucoup de PME, avec une application trop rapide et insuffisamment ciblée. Or, comme le montre le Carbon Disclosure Project, seules 100 entreprises sont responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1998. Une concentration des efforts sur les acteurs majeurs devrait donc permettre d’agir avec plus d’efficacité.

Outre la diminution massive du champ d’application pour la publication d’informations, la proposition vise également à supprimer diverses exigences relatives à la mise en œuvre des plans de transition climatique. Et implique un rétrécissement significatif des obligations de diligence en matière de droits humains dans les chaînes de valeurs. Pour les investisseurs, cela engendre que des risques importants pourraient ne pas être décelés et pourraient perdurer dans les chaînes de valeurs des entreprises dans lesquels ils investissent.

Nous devons éviter que les acteurs du marché consacrent plus de temps et de ressources au reporting qu’à aligner leur stratégie avec les limites planétaires

Marie-Laure Schaufelberger

Dans tout ce débat, nous devons retenir l’objectif que devrait avoir la réglementation: accélérer les investissements vers une économie plus compétitive et durable et permettre aux investisseurs et autres acteurs du marché de mieux gérer les risques, les impacts et les opportunités de cette transition. C’est pourquoi malgré cette simplification que certains jugent trop importante, le fait est que le principe de double matérialité – la notion que les risques et les impacts d’une entreprise doivent être pris en compte – a été préservé.

En tant que Suisses, que pouvons-nous retirer de tout cela? Une des conséquences indésirables d’une réglementation trop lourde et complexe est que les entreprises perçoivent la durabilité comme un exercice de «compliance», plutôt que faisant partie intégrante de leur stratégie sur le long terme. Nous devons éviter que les acteurs du marché consacrent plus de temps et de ressources au reporting qu’à aligner leur stratégie avec les limites planétaires ou à déployer du capital vers la transition. En matière de durabilité, nous ne devrions pas simplement attendre les délibérations européennes, qui prennent toujours beaucoup de temps. Les revirements auxquels nous assistons démontrent l’importance d’avoir nos propres convictions en la matière. Nous devons faire preuve de stabilité, mais également élaborer une approche fondée sur la concertation entre les différentes parties prenantes – à la fois pragmatique et en ligne avec les connaissances scientifiques – plutôt que d’essayer de suivre les évolutions réglementaires qui changent au gré des enjeux politiques.

En fin de compte, compétitivité et durabilité ne sont pas opposées, mais plutôt les deux faces d’une même pièce lorsqu’on adopte une vision à long terme et qu’on intègre les défis systémiques auxquels notre société est confrontée. La nature est indifférente à notre politique et à nos considérations économiques; ce que nous rappelle chaque nouvel évènement climatique extrême. L’heure est à l’action, à la pertinence et au pragmatisme.