Alors que l’enthousiasme soulevé par la victoire sans appel de Donald Trump commence à s’étioler, la courbe des rendements en dollars a poursuivi son redressement pour s’établir à des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis le début de l’été, à proximité de 4,5% pour le T-Note à 10 ans et de 4,3% pour le T-Note à 2 ans. La baisse des taux d’intérêt opérée par la Réserve fédérale (Fed) coïncide ainsi avec une correction inédite des emprunts du Trésor US. Les dégâts sont toutefois moins sévères pour les obligations d’entreprises qui ont bénéficié d’une décrue prononcée des primes de risques de crédit, en particulier sur le segment des emprunts de la catégorie high yield.
Alors que la «vague rouge» constitue une menace évidente pour les obligations, les indicateurs récents ne transmettent pas un message rassurant. Les chiffres d’inflation publiés mercredi passé ne permettent toujours pas de rejeter avec assurance l’hypothèse d’une deuxième vague d’inflation. Hors énergie et alimentation, l’indice des prix à la consommation affiche en octobre une progression mensuelle de 0,3% pour le troisième mois consécutif. En glissement annuel, l’inflation sous-jacente s’établit toujours à 3,3%, remettant en question le reflux graduel qui s’est manifesté jusqu’en juillet. En hausse de 3,1% sur douze mois, l’indice des prix à la production excluant énergie et alimentation met aussi en lumière une persistance de l’inflation qui pourrait s’accentuer dès l’introduction des nouvelles taxes à l’importation promises par Donald Trump (10% pour tous et un tarif rédhibitoire pour les produits chinois).
La vigueur des ventes au détail, en progression de 0,4% en octobre après avoir bondi de 0,8% en septembre, est aussi de nature à remettre en question la baisse substantielle des taux d’intérêt qui était espérée en 2025. Seul bémol, le recul de la production manufacturière montre que les Etats-Unis ne sont pas épargnés par la crise qui frappe le secteur industriel à l’échelle globale.
Le discours du président de la Fed Jerome Powell, consacré aux perspectives économiques, a aussi retenu l’attention. Le banquier central a relevé que la solidité de l’économie permettait à la Fed de baisser les taux d’intérêt avec prudence et sans précipitation. Sa collègue Susan Collins estime par ailleurs qu’une baisse des taux en décembre reste incertaine. A cet égard, le prochain rapport de l’emploi pourrait se révéler décisif. Les perspectives à moyen terme sont confuses, mais il semble de plus en plus probable que la Fed s’achemine vers une pause qui ne manquera pas de raviver les tensions entre Donald Trump et Jerome Powell.
En Europe, les emprunts en euros présentent des rendements en légère augmentation. A la différence de la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) ne manque pas d’arguments pour continuer à réduire les taux d’intérêt monétaires. A Francfort, une nouvelle baisse de taux de 3,25% à 3% en décembre semble acquise. Un reflux probant de l’inflation et la morosité persistante de la conjoncture européenne pourraient inciter la BCE à agir avec moins de retenue en 2025. Dans cette logique, les contrats futures «euribor» préfigurent des taux monétaires abaissés aux environs de 2% en juin prochain.
Au Royaume-Uni, le ralentissement de la croissance observé au troisième trimestre et le reflux graduel de l’inflation salariale devraient conforter la Banque d’Angleterre dans sa volonté de normaliser progressivement les conditions monétaires.
Toujours aussi paisible, le marché des capitaux en francs suisses échappe aussi à l’influence des Etats-Unis, mais présente des rendements à long terme en très légère hausse.