Avril avait commencé par une volatilité inouïe et un arrêt du marché des nouvelles émissions obligataires. Qu’en est-il du début de ce mois de mai? L’annonce du choc tarifaire commence à être absorbée et si la direction n’est toujours pas claire, le marché primaire a redémarré en trombe, permettant de dégager différentes clés de lecture.
Pour commencer, Alphabet – société mère de Google – a fait son retour après cinq années d’absence. Le géant américain n’a pas réitéré l’expérience du format «durable» mais il a émis des montants colossaux. Le 1er mai, 12,7 milliards de dollars s’échelonnant sur des maturités allant de 2030 à 2065 ont été émis – les niveaux de coupons n’ont rien à voir avec ceux de 2020. A l’époque, émettre à 20 ans avait coûté 1,90% à Alphabet. Cinq ans plus tard, la nouvelle obligation de maturité 10 ans lui coûte… 4,50%!
La surprise s’est amplifiée quelques jours plus tard, lorsque Alphabet a émis… sur le marché obligataire européen, pour la première fois, 6,75 milliards d’euros répartis sur cinq maturités allant de 2029 à 2054. L’appétit des investisseurs était au rendez-vous avec des carnets d’ordres couvrant jusqu’à six fois l’offre.
En combinant les deux monnaies, Alphabet s’est financée à moins de 4% pour une maturité moyenne de 18 ans. Une belle affaire, a fortiori pour une société qui disposait, à fin mars, de 95,7 milliards de dollars de liquidités et générait 74,9 milliards de dollars de cash-flow libre!
Cet exemple n’est pas isolé, puisqu’un nombre croissant d’émetteurs américains, comme Visa ou encore Johnson & Johnson, choisissent de se financer sur le marché européen. Avec des rendements plus bas, une demande robuste, le marché obligataire européen est un endroit de choix pour des sociétés actives mondialement. Et au-delà du thème de la «dédollarisation», les chiffres confirment l’attractivité du marché obligataire européen.
Aux Etats-Unis, l’activité a également repris, mais les circonstances sont différentes comme Apple et General Motors, par exemple, en ont fait les frais. Les incertitudes sur les tarifs, les annonces de hausses de coûts de production prévues chez le premier et l’absence d’indication sur les prochains résultats pour le second ont sans doute pesé sur leurs nouvelles émissions.
Rassurons-nous, elles ont facilement trouvé preneur mais les deux compagnies ont dû offrir des rendements élevés comparés à leur dette existante et des primes de concession supérieures à la moyenne du marché en 2025. Les ratios de couverture étaient confortables, mais bien inférieurs à la moyenne du marché cette année. Le fait que les chaînes de production des deux compagnies se trouvent largement en dehors des frontières américaines a sans doute pesé sur ces levées de fonds quelque peu décevantes.
Finalement, immunisée – à ce stade – de l’effet «guerre des tarifs», la dette gouvernementale américaine a repris des couleurs. La dernière adjudication de maturité 10 ans a bénéficié d’une solide demande qui a soutenu le marché.
Ces différentes illustrations révèlent un timide retour de confiance. Elle restera cependant fragile aussi longtemps que les incertitudes tarifaires, et leurs conséquences conjoncturelles, demeureront.