L’inversion de la courbe des rendements en dollars s’est estompée sous l’effet des tensions qui affectent les emprunts à long terme. Le rendement du T-Note à 10 ans s’est rapproché de 4,1% alors que celui «Long Bond» à 30 ans, qui a perdu son statut de référence, avoisine désormais 4,3%. Les emprunts à court terme affichent en revanche des rendements stables, voire en léger repli.
Cette «dés-inversion» de la structure des taux d’intérêt en dollars fait écho au déclassement des Etats-Unis par une agence de notation du risque de crédit et à la fermeté de plusieurs indicateurs conjoncturels. Douze ans après Standard & Poor’s, Fitch a abaissé le rating des emprunts du Trésor US de AAA à AA +. Cette décision est surprenante quant à son «timing», mais amplement justifiée par la dégradation structurelle des finances publiques observée depuis plus de 20 ans. Nul investisseur lucide n’avait besoin de Fitch pour constater que la qualité de la dette américaine s’est dégradée sous le poids d’une accumulation de déficits réalisés tant par les démocrates que par les républicains.
La décision de Fitch relève davantage du symbole que d’une révélation apte à secouer les marchés financiers ou à justifier une prime de risque accrue sur la dette américaine. Il est toutefois possible que l’annonce de Fitch ait joué un rôle marginal dans le redressement des rendements à long terme observé la semaine passée. Les tensions récentes résultent aussi d’une réévaluation des risques de récession à la lumière de nombreux indicateurs qui semblent valider le scénario d’atterrissage en douceur.
Le rapport de l’emploi publié vendredi passé fait état de la création de 187.000 postes en juillet, soit un niveau «ni trop chaud ni trop froid» que n’aurait pas renié Boucle d’Or. Certes, le taux de chômage a fléchi à 3,5%, mais la progression annuelle du revenu horaire moyen est modérée à 4,4%. Le déclin des postes à pourvoir (9,6 millions en juillet) traduit une légère détente, mais les demandes d’indemnités de chômage ne décollent pas (227.000 selon le dernier relevé hebdomadaire). Les enquêtes de l’ISM mettent en lumière une timide amélioration de la marche des affaires du secteur manufacturier, mais la jauge traduit encore une contraction de l’activité (46,4 en juillet après 46,0 en juin). Toujours en expansion, les activités de services présentent en revanche des signes de tassement (52,7 après 53,9).
Les marchés européens n’ont pas été épargnés par le phénomène de «prise de pente» observé aux Etats-Unis. Le rendement du Bund allemand à 10 ans s’est redressé aux environs de 2,6% alors que celui du Schatz à 2 ans a reflué en dessous de 3%. La structure des taux d’intérêt en euro conserve toutefois une inversion telle que le risque de duration n’est pas du tout rémunéré.

Les Gilts britanniques à long terme présentent aussi des rendements en hausse. Sans surprise, la Banque d’Angleterre a relevé son taux d’intérêt de base d’un quart de pourcent à 5,25%. Le communiqué préfigure un relèvement accru des taux d’intérêt pour endiguer des risques d’inflation «biaisée» vers le haut. Le dérapage de l’inflation salariale, plus marqué qu’ailleurs en Occident, laisse craindre une accélération persistante, ce qui pourrait conduire la banque centrale à relever son taux d’intérêt directeur aux environs de 6% d’ici à la fin de l’année.
Les tensions sont moins prononcées sur le marché de capitaux en francs suisses. Le rendement des emprunts de la Confédération avoisine toujours 1%, bien en dessous d’un taux d’intérêt directeur fixé à 1,75%. Le reflux de l’inflation à 1,6% en juillet est tel que la BNS pourrait ne pas resserrer sa politique monétaire si le franc ne faiblit pas.