A chaque annonce ou volte-face sur le plan des barrières douanières, la guerre économique menée par Donald Trump s’impose comme le principal sujet de préoccupation des investisseurs.
Si la Confédération ne figure pas parmi les principaux pays affichant un excédent commercial avec les Etats-Unis, elle n’en demeure pas moins bénéficiaire face au géant américain. Ses exportations vers le pays de l’oncle Sam ont même augmenté en 2024, notamment dans le secteur de l’industrie chimique et pharmaceutique (+10%), qui représente près de la moitié des envois vers les Etats-Unis, premier débouché pour la Suisse devant l’Allemagne. Alors évidemment, la mise en place de nouvelles taxes à l’entrée de biens sur le territoire américain est perçue comme une menace pour la pérennité de la croissance helvétique.
Pourtant, pris dans son ensemble, le marché européen se situe loin devant les Etats-Unis pour la vente de produits suisses. Une situation appelée à se renforcer encore si la logique de régionalisation de l’économie prend le dessus sur le concept mis à mal de la mondialisation. Il semble pourtant irréaliste d’imaginer le Vieux Continent en variable d’ajustement absorbant les flux n’entrant plus outre-Atlantique. En effet, la relation économique entre la Suisse et l’Europe doit être précisée au travers des Bilatérales III, et aucune votation populaire sur le traité ne devrait intervenir avant les élections fédérales d’octobre 2027. En l’absence d’accord favorable, la Confédération risque de se trouver plus isolée en Europe avec l’obligation pour ses entreprises de délocaliser une partie de leur production dans l’Union européenne pour continuer d’accéder au marché unique. Ce risque surpasse nettement celui de l’arme fiscale américaine.
Quelle évolution pour la devise helvétique dans ce contexte de compétition acharnée et de risque de dégradation concurrentielle? Au bénéfice d’un niveau d’inflation très bas (0,3% sur un an en février), la Banque nationale suisse (BNS) devrait favoriser une politique monétaire accommodante et continuer de baisser son taux directeur, quitte à revenir en territoire négatif. L’objectif serait alors double: d’une part, offrir des conditions de crédit adéquates au soutien d’une économie sous pression, et de l’autre, rendre peu attractive la détention du franc an agissant sur le coût de portage.
La marge de manœuvre de l’institut d’émission reste toutefois faible, avec un taux directeur déjà ramené à 0,25%. En complément, pour éviter toute appréciation éclair du franc, voire l’orienter à la baisse pour soutenir la compétitivité des exportations, la BNS pourrait recourir à nouveau à l’achat de réserves en devises étrangères. Celles-ci se situent aux environs de 735 milliards de francs, après avoir atteint 946 milliards début 2022. Si elle accepte de voir croître à nouveau son bilan, la banque centrale a sur ce plan une réelle capacité d’action.
Enfin, si Donald Trump parvient à réduire le déficit de la balance commerciale, cela se fera au détriment de la balance des capitaux. Compte tenu du niveau de la dette américaine, cette évolution devrait engendrer un manque de dollars à moyen terme, avec pour conséquence une tendance haussière du billet vert vis-à-vis du franc.