Auditionné par les parlementaires à Capitol Hill, le patron de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a laissé entrevoir la perspective d’un relâchement de la politique monétaire dans un avenir assez proche, mais pas immédiat. A Francfort, son homologue Christine Lagarde a tenu un discours similaire au terme d’une réunion du Conseil des gouverneurs qui s’est soldée par le maintien des taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE).
De part et d’autre de l’Atlantique, les banquiers centraux se réjouissent d’observer un reflux de l’inflation, mais souhaitent attendre encore un peu avant de réduire les taux. Un premier geste en juin paraît réaliste aux Etats-Unis et en Europe, à condition que l’inflation évolue conformément aux prévisions. A cet égard, les projections dévoilées par la BCE font état d’une augmentation des prix à la consommation de 2,3% en 2024 et 2,0% en 2025, soit légèrement moins que prévu en décembre passé.
Christine Lagarde a toutefois relevé la persistance des pressions affectant les prix des biens et services «domestiques» qui résulte en partie de la progression soutenue des salaires. Attendre jusqu’au mois de juin permettra aux gouverneurs d’en savoir «beaucoup plus» qu’en avril, l’échéance de la prochaine réunion du Conseil. Il en va de même aux Etats-Unis où Jerome Powell a affirmé que le comité de politique monétaire (FOMC) n’était plus très loin d’avoir une confiance suffisante pour renverser la vapeur («dial back» en version originale).
En insistant sur l’importance des données à venir, les banquiers centraux invitent leur audience à scruter le flux des indicateurs, au risque de surréagir à des chiffres parfois peu fiables. Publié vendredi, le dernier rapport de l’emploi met en lumière un refroidissement du marché du travail américain. En exergue, la création de 275.000 postes en février est trompeuse, car il faut relever une forte révision à la baisse de l’embauche en janvier (de 353.000 à 229.000!) et en décembre. Le sondage réalisé auprès des ménages met en lumière un recul de l’emploi et une augmentation du taux de chômage de 3,7% en janvier à 3,9% en février. Le déclin des postes à pourvoir et des départs spontanés en janvier traduit aussi un relâchement qui devrait déboucher sur un ralentissement de la consommation. Du côté des entreprises, le repli de l’indice ISM consacré aux services (52,6 après 53,4) remet en question l’amélioration du climat des affaires observée les mois précédents, comme dans le secteur manufacturier.
Les propos apaisants tenus par Jerome Powell et les symptômes de modération de l’activité ont favorisé un léger reflux des rendements en dollars. Celui du T-Note à 10 ans a reflué en dessous de 4,1% après avoir franchi 4,3% courant février. En Europe, les rendements en euro ont aussi baissé dans la perspective de la réduction des taux d’intérêt qui se profile en juin.
Hors zone euro, les rendements en livres sterling et en francs suisses se sont conformés à la tendance générale en cédant quelques points de base. La Banque d’Angleterre et la Banque nationale suisse (BNS) tiendront des réunions de politique monétaire jeudi 21 mars. Les deux banques centrales devraient temporiser, mais on ne peut pas complètement exclure une réduction de la part de Thomas Jordan et ses collègues qui sont déjà confrontés à une inflation en dessous de l’objectif de 2%.