Le reflux de l’inflation américaine survenu en juillet avait suscité un enthousiasme un peu naïf chez les investisseurs et une récupération politique hâtive de Joe Biden. Inversement, l’évolution des prix à la consommation en août a provoqué un recul sévère, voire excessif, des actions et des tensions significatives sur la courbe des rendements en dollars US.
Certes, l’inflation mesurée en glissement annuel a fléchi pour s’établir à 8,3% grâce au repli marqué des prix de l’énergie. L’augmentation mensuelle de 0,6% de l’indice des prix hors énergie et alimentation est en revanche problématique pour une banque centrale qui vise un objectif d’inflation annuelle de 2%, réclamant des variations mensuelles avoisinant 0,2% (jamais observées en 2022, amplement dépassées en août). Le dérapage de l’inflation «sous-jacente» met en lumière des effets secondaires et retardés de l’augmentation des prix des matières premières. Dans cette logique, il est permis d’espérer que la baisse des prix des matières premières observée depuis quelques semaines finira par déployer des effets bénéfiques sur l’inflation à moyen terme. Ironiquement, l’inflation «sous-jacente» est aussi alimentée par l’augmentation des coûts du logement qui résulte du redressement des taux hypothécaires pris en compte pour estimer le «loyer équivalent de propriétaires».
Les mauvais chiffres d’inflation aux Etats-Unis ont annihilé tout espoir que le FOMC se limite à un relèvement du taux d’intérêt des Fed funds d'un demi point mercredi. Au contraire, certains observateurs se hasardent à prévoir une augmentation d'un point, à laquelle les «futures» du CME attachent une probabilité de 20%. On semble ainsi s’acheminer vers un troisième relèvement consécutif du taux d’intérêt directeur de la Fed de 0,75 point, entre 3% et 3,25%. La mise à jour trimestrielle des prévisions des membres du FOMC permettra de mieux cerner les intentions de la banque centrale pour les deux réunions à venir en 2022, puis pour 2023. Sans attendre les projections et le fameux «dot plot» qui seront dévoilés mercredi, les investisseurs escomptent désormais des taux d’intérêt monétaires culminant aux environs de 4,5% le printemps prochain. En d’autres termes, les investisseurs semblent bien préparés et il est possible qu’un «relief rally» succède à la réunion du FOMC, même si l’environnement économique, géopolitique et financier demeure aussi incertain que périlleux.

L’actualité conjoncturelle est mitigée. Le déclin des demandes d’indemnités de chômage (213.000 selon le dernier relevé hebdomadaire) traduit un marché du travail robuste. La fermeté des ventes au détail suggère que les ménages n’ont pas capitulé malgré la pression qui s’exerce sur le pouvoir d’achat. La dernière enquête de l’Université de Michigan traduit un léger regain de la confiance des consommateurs ainsi qu’un reflux des anticipations d’inflation qui sont vraisemblablement liés à la baisse du prix des produits pétroliers.
En Europe, la Banque d’Angleterre s’achemine probablement vers un deuxième relèvement consécutif du taux d’intérêt de base d'un demi point, vers une cible de 2,25%, malgré le déclin sévère des ventes au détail britanniques observé en août (-1,6% mensuel, -5,3% en glissement annuel en volumes). En Suisse, la BNS devrait opter pour un relèvement du taux d’intérêt de dépôt de 0,75 point (de -0,25% à 0,5%), même si nous ne sommes pas confrontés à un problème d’inflation aussi aigu que nos partenaires occidentaux. La cadence trimestrielle de réunion du directoire de la BNS tend à justifier un geste de grande ampleur pour éviter l’affaiblissement malvenu du franc suisse qui pourrait résulter des relèvements de taux d’intérêt attendus de la part de la BCE (27 octobre), puis la Fed (le 2 novembre). A contre-courant, la Banque du Japon devrait maintenir un cap accommodant, susceptible d’alimenter une accélération durable de l’inflation vers l’objectif de 2%.