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Le Dry January n’inquiète pas les producteurs, la pandémie oui

La campagne «janvier sec» a un impact négligeable sur les vignerons, brasseurs et distillateurs du pays. La fermeture des bars et restaurants, dues aux mesures sanitaires, leur est bien plus préjudiciable.

L'équipe de la distillerie Morand à Martigny est favorables aux campagnes de prévention favorisant une consommation raisonnable. Elle juge néanmoins que le fait de s’abstenir totalement devrait relever d’une décision individuelle.
L'équipe de la distillerie Morand à Martigny est favorables aux campagnes de prévention favorisant une consommation raisonnable. Elle juge néanmoins que le fait de s’abstenir totalement devrait relever d’une décision individuelle.
22 janvier 2021, 11h00
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Pas une goutte d’alcool en janvier: l’expérience a piqué la curiosité des Suisses. Ils sont 3600 à avoir téléchargé l’application Try Dry dans le cadre du Dry January. «Cela nous a surpris au-delà de nos espérances car nous n’avons pas fait réellement de promotion pour cette app», se réjouit Célestine Perissinotto, responsable communication du Groupement romand d’études des addictions (GREA). Cette association est l’une de celles à la base de la campagne, également soutenue par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). De plus, 3600 personnes ont souscrit à la newsletter Dry January Suisse. «En proportion, c’est bien plus qu’en France. On s’achemine vers une première édition réussie», commente-t-elle. 

Pensé comme un défi à relever après les fêtes, le Dry January vise à créer une réflexion autour de la consommation d’alcool. Mais qu’en pensent les producteurs? Les brasseurs sont réceptifs. «Nous ne pouvons qu’encourager ce type de campagne de santé publique», assure Jérôme Bachelard de Cap’taine Mousse à Nyon. Même discours du côté de sa consœur des Murailles à Meinier, près de Genève. «Une opération qui permet de sensibiliser aux dangers de la consommation régulière d’alcool est une très bonne chose», approuve Nathalie Droz.

Tout à fait d’accord avec l’objectif d’une consommation raisonnée, les vignerons s’interrogent sur l’abstinence totale promue par la campagne. «Un message de consommation contrôlée, qui est d’ailleurs dans l’air du temps, aurait peut-être été préférable», avance ainsi Olivier Roten des Caves du Paradis à Sierre. Autre viticulteur exploitant un paradis, Jérémie Burgdorfer du Domaine du Paradis à Satigny ajoute: «Si le Dry January peut interpeller sur la relation à l’alcool, tant mieux. Mais il en faut pour tous les goûts.»

Les frères Manu et Jérôme Bachelard, fondateurs de la brasserie Cap'taine Mousse, tablaient sur l'augmentation de leurs ventes. Après une excellente année 2019, ils ont investi en effectif et espace. Avec la fermeture des restaurants et cafés, il leur est difficile d'assurer le loyer et les salaires.
Les frères Manu et Jérôme Bachelard, fondateurs de la brasserie Cap'taine Mousse, tablaient sur l'augmentation de leurs ventes. Après une excellente année 2019, ils ont investi en effectif et espace. Avec la fermeture des restaurants et cafés, il leur est difficile d'assurer le loyer et les salaires.

Sec ou non, janvier est déjà morne

La Suisse a renoué avec des mesures de semi-confinement en janvier et la consommation de boissons alcoolisées est déjà minée par les mesures anti-Covid. Choisir cette période pour une telle communication semble, a première vue, peu opportun. Fabrice Haenni, directeur de la distillerie Morand à Martigny, argue: «La frustration de certains producteurs qui souffrent déjà beaucoup de la fermeture des établissements publics est compréhensible. De notre côté, nous pensons que des campagnes tout au long de l’année pour une consommation responsable sont plus appropriées.»

Au contraire, certains trouvent que ce choix tombe à pic. «Autant un Dry January lorsque les restaurants sont fermés qu’un Dry March au moment où ils rouvriront», estime Thierry Grosjean du Château d’Auvernier, situé au bord du lac de Neuchâtel. Et c’est un mois peu animé en termes de ventes d’alcool. «Le Dry January ne fait qu’amplifier la tendance, dans une période calme d’ordinaire», dit Nathalie Droz. La vraie coupable, c’est la pandémie qui a fait «s’effondrer les ventes en rayant festivals, fêtes et réunions familiales des agendas».

La fermeture des restaurants et cafés durant plusieurs mois sera difficile à compenser. En temps normal, la Cap’tain Mousse écoule pour 70% du chiffre d’affaires de ses blondes, rousses et blanches auprès des tavernes et bistrots de l’Arc lémanique. «Et les aides de l’Etat sont largement insuffisantes pour combler le manque à gagner», déplore Jérôme Bachelard. «La clientèle de notre boutique a augmenté heureusement», se rassérène-t-il.

Dans l’exploitation familiale des Burgdorfer, le commerce en ligne a amoindri le choc lié à l’absence de l’hôtellerie-restauration, secteur qui représente habituellement 35% du chiffre d’affaires. «Le site a cartonné en 2020», indique le patron qui a néanmoins senti le vent tourner avec la deuxième vague et le marasme moral actuel. Mais les producteurs gardent espoir. «Nous nous en remettrons, comme nous nous sommes remis de crises précédentes», rassure Thierry Grosjean dont le domaine familial perdure depuis 400 ans.

Pour ceux, toujours plus nombreux, qui préfèrent se passer de l'alcool, le Domaine du Paradis de Satigny vient de sortir sa première cuvée à zéro degré, à base de moût de Pinot blanc gazéifié. Une alternative «plus festive que l’eau du robinet», selon le vigneron Jérémie Burgdorfer.
Pour ceux, toujours plus nombreux, qui préfèrent se passer de l'alcool, le Domaine du Paradis de Satigny vient de sortir sa première cuvée à zéro degré, à base de moût de Pinot blanc gazéifié. Une alternative «plus festive que l’eau du robinet», selon le vigneron Jérémie Burgdorfer.

Toujours plus de sans alcool

Au-delà du Dry January et des effets de la pandémie, la diminution générale de la consommation d’alcool en Europe se poursuit. Ainsi en Suisse, selon l’Office fédérale de la statistique (OFS), la part des individus buvant de l’alcool est restée stable entre 1992 et 2017, passant de 84% à 82%, celle des consommateurs quotidiens a diminué de 20% à 11%. «C’est une tendance longue: boire moins mais mieux», souligne Olivier Roten des Caves du Paradis. Et le Sierrois de mettre en lumière que boire mieux, c’est « surtout boire local». Voilà de quoi, selon lui, inspirer les futures campagnes de sensibilisation.