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Une forte inflation est moins grave qu’un taux de chômage élevé

Un peu partout, la question se pose de savoir quand et dans quelle mesure la politique monétaire doit contrer cette tendance haussière avec une approche plus restrictive. Par Daniel Lampart

«Une politique monétaire plus restrictive donnerait un coup de frein à la reprise économique.»
Keystone
«Une politique monétaire plus restrictive donnerait un coup de frein à la reprise économique.»
Daniel Lampart
Union syndicale suisse - Economiste en chef
17 février 2022, 16h20
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Dans certains pays comme les États-Unis ou l’Allemagne, l’inflation est grimpée à des niveaux jamais atteints depuis 30 ans. En Suisse, elle demeure plutôt faible, à environ 1,6%. La surévaluation du franc empêche notamment une montée en flèche. Un peu partout, la question se pose de savoir quand et dans quelle mesure la politique monétaire doit contrer cette tendance haussière avec une approche plus restrictive. Les taux d’intérêt ont commencé à remonter dans le monde entier.

Une politique monétaire plus restrictive donnerait un coup de frein à la reprise économique. Les salaires et les prix à la consommation connaîtraient une plus faible augmentation. Mais le prix à payer serait un taux de chômage plus élevé. Le graphique présenté, ci-dessous, met en évidence cette corrélation défavorable entre le renchérissement et le chômage.

Une forte inflation est moins grave qu’un taux de chômage élevé

On dit toujours que l’inflation doit être combattue rapidement parce qu’elle pénalise davantage les ménages à faible revenus. Même la Neue Zürcher Zeitung, pourtant pas connue pour être la plus fervente porte-voix des classes populaires, a défendu ce point de vue.

Mais ce n’est pas aussi simple. Car si la lutte contre l’inflation provoque une hausse du chômage, les conséquences pour les ménages à faibles revenus seront encore bien pires. En 1972, le chancelier allemand d’alors Helmut Schmidt résumait ainsi la situation: «Il me semble, pour le dire très directement, que le peuple allemand supportera mieux une hausse des prix de 5% qu’un taux de chômage de 5%.» Les personnes qui perdent leur emploi subissent généralement une baisse sensible de leur revenu. L’assurance-chômage ne verse que 70 à 80% de l’ancien salaire. Et les gens qui arrivent en fin de droit se retrouvent souvent à l’aide sociale. Même lorsqu’ils retrouvent un emploi, ils doivent souvent accepter un revenu plus bas. De plus, les personnes ayant suivi une formation obligatoire sont deux à trois fois plus souvent sans emploi que les universitaires.

La lutte contre l’inflation comporte donc des risques spécifiques pour les salariés. En revanche, si les salaires sont systématiquement adaptés au renchérissement et à la situation conjoncturelle durant les périodes d’inflation, les dommages sont minimes. C’est précisément là que les syndicats et les conventions collectives de travail (CCT) jouent un rôle clé: ensemble, ils représentent la meilleure assurance contre la perte de pouvoir d’achat. Ils font en sorte qu’il y ait des hausses générales de salaires, ce qui protège les salariés du renchérissement.

Il est donc simpliste d’affirmer que les ménages défavorisés sont les perdants de l’inflation

Daniel Lampart

En plus des travailleuses et travailleurs, les retraités qui n’ont que l’AVS pour vivre représentent également une population à faible revenu. Mais contrairement au 2e et au 3e pilier, l’AVS est adaptée à l’évolution des salaires et des prix, en général tous les deux ans. Si l’inflation est élevée, l’adaptation au renchérissement se fait même chaque année.  

Il est donc simpliste d’affirmer que les ménages défavorisés sont les perdants de l’inflation. Si les salaires et les rentes sont régulièrement adaptés au renchérissement et à l’évolution économique, ces ménages devraient au contraire plutôt en profiter, puisque le risque de chômage est alors plus faible.