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Vote sur les limites planétaires: le débat ne fait que commencer

Le rejet de l’initiative sur la responsabilité environnementale ne signifie pas que rien ne puisse être fait pour rendre la Suisse durable.

Il y a 30 ans, «l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ) a établi le scénario 'de la Société à 2000 watts', consistant à diviser notre consommation d’énergie d’un facteur trois et à en assurer les trois quarts par les renouvelables».
KEYSTONE
Il y a 30 ans, «l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ) a établi le scénario 'de la Société à 2000 watts', consistant à diviser notre consommation d’énergie d’un facteur trois et à en assurer les trois quarts par les renouvelables».
René Longet
Expert en développement durable
13 février 2025, 15h00
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A l’évidence, l’initiative des Jeunes Verts n’a pas convaincu. Nous ne sommes visiblement pas prêts à accepter d’inscrire nos activités dans les limites biologiques, physiques, chimiques de notre planète. Ce qui a certainement aussi joué ce 9 février a été l’absence de scénarios explicitant comment diviser par 2,5 notre impact matériel. Or de tels scénarios existent, en particulier pour l’énergie.

Voici bientôt 30 ans, en associant optimisation technique, mobilisation des énergies renouvelables et sobriété dans les usages, l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ) a établi le scénario «de la Société à 2000 watts», consistant à diviser notre consommation d’énergie d’un facteur trois et à en assurer les trois quarts par les renouvelables. C’est ce qu’il s’agit maintenant de calculer pour les autres ressources de notre quotidien.

Il ne s’agit évidemment pas de viser une autarcie nationale voire nationaliste, mais de s’inscrire dans ce que globalement la Terre peut offrir. Dans cette perspective, si certains territoires sont dépourvus de certaines ressources, il faut bien que celles-ci proviennent d’autres lieux qui en auraient en abondance. Ce qui compte est le bilan global, et c’est bien là que le bât blesse.

Et si la Suisse a consommé sa juste part vers la fin mai, à partir de début août, c’est le monde entier qui vit à crédit. Or on ne peut consommer les ressources non renouvelables qu’aussi longtemps que des réserves exploitables en existent – ou qu’on apprendra à les recycler, même si la rentabilité financière n’est pas encore au rendez-vous.

Notre Constitution comporte depuis 25 ans un article 73 intitulé «Développement durable», resté sans dispositions d’application

René Longet

Notre pays dispose de roches, de sols fertiles, de bois, d’eau, de sel... et de matière grise. Mais point de métaux en concentrations exploitables; la dernière mine de Suisse, la mine de fer de Gonzen dans le canton de St-Gall, a fermé en 1966.

Il nous faut donc importer les métaux dont nous estimons avoir besoin – mais, aussi et surtout, viser à une réutilisation systématique de ce que nous avons déjà. Pour ce faire, le récent soutien fédéral aux capacités sidérurgiques suisses vient à point nommé; la verrerie de St-Prex, longtemps emblème d’un recyclage réussi, n’a pas eu cette chance – et notre verre perdu est désormais exporté.

Pour faire voler un avion, on doit s’inscrire dans les lois de la physique; les téméraires qui au Moyen-Age ont cru s’élever vers le ciel en se collant des ailes dans le dos se sont lamentablement écrasés au sol. Pour notre société, il n’en va pas autrement.

Ainsi, Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève soulignait dans l’édition du 7 février de ce journal qu’«aujourd’hui, la Suisse vit au-dessus des limites que la Terre peut supporter. Le 9 février, la Suisse devra choisir entre une transition progressive et un changement brutal», et disait préférer la première option pour «avancer ensemble vers un avenir durable».

Il se trouve que notre Constitution comporte depuis 25 ans un article 73 intitulé «Développement durable», resté sans dispositions d’application: «La Confédération et les cantons œuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain.» Il s’agit maintenant d’y travailler. Le débat ne fait que commencer.