L’Office fédéral des assurances sociales (Ofas) aurait surestimé les dépenses de l’AVS pour 2033 d’environ 4 milliards de francs, a-t-elle annoncé début août. Il se serait trompé et on s’en scandalise. Mais que sera la situation dans dix ans? On peut prévoir le nombre de retraités puisqu’ils sont déjà au travail et cotisent.
Cependant, on ne peut pas prévoir le nombre de travailleurs actifs cotisants, car il dépend de l’état de l’économie. On ne peut donc pas spéculer sur l’équilibre entre les recettes et les dépenses, on ne peut même pas affirmer que l’AVS serait en déficit ou en gain. Car cette prétendue pension par répartition ne l’est même pas en réalité: une partie de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt sur les maisons de jeu sont affectés à son financement, ce qui complique davantage la prévision.
Tel est le non-sens d’un programme de prévision ne comportant rien moins que 70.000 lignes de code. Le conseiller aux Etats vaudois Pierre-Yves Maillard a souligné cette évidence: «Chaque année l’AVS fait des bénéfices et prédit un déficit.» Car elle s’illusionne sur la pertinence de toute prévision.
Il est impossible de «calculer» dans une décennie la population de la Suisse, le montant du PIB, le taux de chômage
Jacques Neirynck
On ne peut pas prédire le comportement des humains, même de façon statistique, sinon à court terme, un ou deux ans. Il est impossible de «calculer» dans une décennie la population de la Suisse, le montant du PIB, le taux de chômage, le nombre de décès et de naissances.
Et bien évidemment, parce que cela nous en faisons l’expérience quotidienne, la température dans dix ans. Pour les prévisions météo nous savons qu’elles valent au mieux pour une semaine, certainement pas pour un mois ou un an. En revanche on peut prédire à dix ans de distance l’heure du lever du soleil. Curieux.
Les décideurs dans l’AVS nourrissent une croyance selon laquelle il serait possible de tout prévoir pourvu que l’on ait une approche scientifique, au prix de complications qui engendrent un programme informatique démesuré. C’est une illusion.
Il existe même des phénomènes physiques qu’il est impossible de prévoir sur le long terme comme le montre l’exemple de la météo. Les modèles mathématiques, qui gouvernent d’une part le déplacement d’une planète et d’autre part celui d’une dépression atmosphérique, sont aussi bien connus l’un que l’autre, mais le premier permet des calculs précis sur de longues durées et le second pas. Les moindres erreurs sur les conditions initiales telles que mesurées ne cessent de croître.
En d’autres mots, il y a des phénomènes prévisibles et d’autres qui sont chaotiques dont le modèle produit des calculs complètement différents pour de toutes petites erreurs sur les conditions initiales.
Ce qui est vrai pour la météo l’est a fortiori pour les phénomènes humains étudiés par la sociologie et l’économie. Le sondage effectué avant une élection ne prédit pas le résultat parce que les électeurs, au courant du sondage, peuvent modifier leur vote. L’économie serait bien incapable de prévoir les mouvements de Bourse parce que, si elle le faisait, les positions prises par les opérateurs renseignés annuleraient la prévision.
L’Ofas ne s’est pas trompé dans sa prévision, mais il divague en croyant qu’il pourrait en faire.
Très bonne chronique, merci de rappeler qu’on ne prédit pas la météo à plus de deux semaines et qu’il est également impossible de prédire à 10 ans l’évolution du taux de chômage, de la population et du PIB de la Suisse. Cela semble évident, mais c’est encore mieux quand c’est un scientifique sérieux qui le dit ! C’est comme avec le climat, imaginez prédire le climat dans 20 ans… C’est ce que je me tue à répéter à tous ceux qui croient naïvement qu’il faut chambouler toute notre économie car la température va augmenter, d’après des scientifiques qui font la même chose que les rigolos de l’Ofas, prédire l’imprédictible. On n’en sait rien, alors il vaut mieux attendre et aviser en temps voulu.
