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Revenir aux fondamentaux des pensions

Le peuple a refusé la réforme LPP. Pour assurer le financement des retraites, il n’y a que des mesures impopulaires: diminuer les rentes, augmenter les cotisations, travailler plus longtemps. Par Jacques Neirynck

«Pourrait-on revenir aux fondamentaux, à trois piliers clairement identifiables et compréhensibles?»
KEYSTONE
«Pourrait-on revenir aux fondamentaux, à trois piliers clairement identifiables et compréhensibles?»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
24 septembre 2024, 15h00
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La Suisse dispose d’institutions remarquables qui entrent parfois en conflit du fait même de leur perfection. Celle-ci est acquise au prix de complications inextricables face auxquelles même un parlementaire en exercice est parfois désarmé. A fortiori le citoyen moyen ne peut rien y comprendre et, dans le doute, il refuse. Ce qui s’est passé le dimanche 22 septembre 2024 était prévisible. Le souverain a désavoué l’exécutif et le législatif, selon un privilège qui l’assimile à un monarque absolu, décidant selon son bon plaisir.

Complications? Ainsi en est-il du système de pensions reposant sur trois piliers, qui combinent les avantages de la répartition, de la capitalisation et de l’épargne personnelle. Encore faudrait-il que les principes soient respectés et qu’on s’y tienne lors d’une réforme.

Or l’AVS, basée sur la répartition, les pensions étant assurées par les actifs, s’est délitée sous la pression du vieillissement de la population, face auquel il n’y a que des mesures impopulaires: diminuer les rentes, augmenter les cotisations, travailler plus longtemps. Le souverain n’en veut pas. Donc on met en œuvre d’autres sources de financement, les taxes, sur les maisons de jeux, sur le tabac et la TVA sur des produits de première nécessité. L’AVS n’est plus un système de répartition, mais un procédé mixte subventionné en partie par les prélèvements obligatoires sur tous, y compris les pensionnés à qui l’on enlève furtivement d’une main ce qu’on leur accorde de l’autre. Le souverain, sans bien comprendre ce système opaque, perçoit sourdement une anomalie. Il est mal disposé.

Il en est de même de la LPP, fondée sur le principe de la capitalisation individuelle. Par ses cotisations le travailleur constitue un capital qui est converti ensuite en une rente, calculée selon le taux de conversion, c’est-à-dire en principe un pourcentage déterminé par la durée de survie moyenne après 65 ans. Ce taux devrait diminuer au fur et à mesure du vieillissement mais il ne le fait pas car le souverain ne l’accepte pas. En amont interviennent encore deux mécanismes parasites, le montant de coordination et le seuil d’entrée, qui rendent le système totalement opaque.

On devrait se féliciter sans réserve de l’augmentation de l’espérance de vie, mais en garder à l’esprit les conséquences inévitables

Jacques Neirynck

En résumé, le travailleur est bien incapable de prévoir quelle sera sa pension. Si on propose de l’améliorer, il suspecte que ce ne sera pas pour tout le monde et qu’il risque d’être parmi les perdants.

Pourrait-on revenir aux fondamentaux, à trois piliers clairement identifiables et compréhensibles? Que la répartition ne soit que cela, qu’elle ne distribue que ce que les actifs peuvent fournir, que le souverain comprenne le mécanisme et qu’il décide enfin d’accepter de travailler plus pour toucher plus.

Que la capitalisation ne soit que la constitution d’une rente personnelle, qu’elle soit applicable pour tous sans seuil d’entrée. Enfin que les travailleurs les plus mal rémunérés au sein de ce système reçoivent une rente de solidarité financée par les impôts de tous ceux qui en paient.

On devrait se féliciter sans réserve de l’augmentation de l’espérance de vie, mais en garder à l’esprit les conséquences inévitables et décider démocratiquement des mesures les plus adéquates, les plus supportables, les plus justes.