Le Conseil fédéral revient sur la décision populaire prise en 2017 de sortir du nucléaire. Cette annonce favorable à une levée de l’interdiction a choqué les Verts et les Vert’libéraux, tandis que la droite salue une «décision raisonnable». Ce réflexe politique pouvait être prévu, mais il ne remplace pas une réflexion qui est tout d’abord technique.
1. Le nucléaire n’est pas durable
Le nucléaire fait partie de notre patrimoine énergétique avec les énergies fossiles, qui sont de l’énergie solaire emmagasinée sur des millions d’années. Quoi que l’on fantasme, il existe dans le sol un baril de pétrole et une tonne d’uranium qui n’apporteront pas plus d’énergie dans le système qu’ils n’en auront requis pour être extraits. On ne connaît pas la teneur de ce capital, mais cela ne signifie pas qu’il soit infini.
2. Le danger subsiste
Sur les 500 centrales nucléaires, cinq ont connu une fusion de leur cœur, soit 1%. Cette donnée expérimentale est incontournable. En 1975, durant le débat lors de la mise en service de la plupart des réacteurs, un rapport Rasmussen évaluait le risque de fusion à un accident par réacteur sur 20.000 ans. Ce prétendu calcul ne signifiait rien, puisque l’on multipliait des probabilités évaluées en théorie, sans aucune expérience. Les partisans du nucléaire déduisaient de ce calcul hasardeux une conclusion encore plus douteuse: il n’y aurait pas d’accident avant 20.000 ans.
On ne peut pas exclure des accidents majeurs, sauf à développer une technologie radicalement neuve, qui n’existe pas pour l’instant. L’accident de Tchernobyl en 1986 a démontré que les retombées dépassent de loin tout ce que l’on pouvait imaginer. Si l’on transpose ce scénario dans une région densément peuplée, les dégâts seraient tels que le régime politique et l’existence du pays seraient remis en cause. Aussi longtemps que l’on utilise une technologie, où le cœur du réacteur peut fondre, le risque du nucléaire est trop grave.
3. L’obstacle insurmontable des déchets
Les déchets radioactifs sont inévitables. Où qu’on les enfouisse, ils constituent une pollution qui perdurera sur des centaines de millénaires, c’est-à-dire qu’elle est perpétuelle à l’échelle de notre espèce. S’il faut stocker les déchets nucléaires dans un pays, où la population a son mot à dire, comment trouvera-t-on une région qui accepte de prendre en charge cette hypothèque? Sinon pouvons-nous imposer ces déchets à des pays qui ne sont pas démocratiques en corrompant le dictateur local?
4. Une énergie d’appoint très coûteuse
Le nucléaire ne représente qu’une rallonge par rapport aux combustibles fossiles. Pour l’instant il fournit 10% de l’électricité au niveau mondial. Au fur et à mesure du renchérissement du pétrole, les producteurs d’uranium alignent leur prix vers le haut.
5. La difficile réparation des dégâts
Lors de la fusion du cœur se crée le corium, mélange de combustible nucléaire et d’éléments de la structure de construction. A Fukushima, il y en a 280 tonnes qui doivent être refroidies perpétuellement et qui émettent trop de radiations pour y exposer des travailleurs. Comme il faut utiliser des robots pour une tâche jamais entreprise auparavant, le coût estimé est de 150 milliards d’euros.