Il y a quatre médecins pour 1000 habitants en Suisse. C’est moins qu’en Autriche (5,4), en Allemagne (4,5) et en Italie (4,1). Parmi nos pays voisins, il n’y a que la France qui est en dessous (3,2). Pourtant, on entend souvent dire qu’il y a trop de médecins en Suisse, ce qui coûterait très cher. La vérité, c’est que le pays manque de personnel médical, et notamment de médecins. En effet, 40% de ceux qui exercent en Suisse viennent de l’étranger. Leur nombre n’a cessé d’augmenter en 20 ans, passant de 4000 à 16.600. Sur cette même période, celui des médecins suisses est resté quasiment stable, aux alentours de 24.000.
Ces chiffres montrent une dépendance toujours plus forte de la Suisse vis-à-vis de l’étranger pour ces ressources clé, sans parler des questions éthiques que cela pose. La France et l’Allemagne, notamment, souffrent de la perte de personnel formé et sont en train de mettre en place des mesures pour éviter cette fuite de compétences vers la Suisse.
La situation n’ira pas en s’améliorant. La génération des baby-boomers, qui part à la retraite, est largement composée de personnes qui travaillent à plein temps en ne comptant pas leurs heures. La nouvelle génération de médecins aspire à des horaires plus réguliers, moins lourds, pour un meilleur équilibre entre vies professionnelle et privée. En filigrane, cela signifie que pour remplacer un médecin qui part la retraite, il faut en former plus d’un.
Il est urgent de faire passer des réformes pour remplacer le Tarmed par une nouvelle grille tarifaire davantage en lien avec la réalité du terrain, augmenter les places de formation, réduire la bureaucratie
Véronique Kämpfen
Pourtant, la formation des médecins reste très ardue en Suisse, avec des numerus clausus difficilement compréhensibles et un tel choc en arrivant dans le monde du travail qu’après la première année de pratique, un tiers des médecins nouvellement formés doute de vouloir continuer dans cette voie. Ils travaillent en moyenne 56 heures par semaine, malgré un cadre contractuel de 50 heures, ce qui est déjà énorme, et passent un temps toujours plus long à s’occuper de tâches administratives au lieu de s’occuper des patients. On serait découragé à moins!
A ces difficultés pour inciter les jeunes générations à se tourner vers la médecine s’ajoute une réalité financière peu motivante. A Genève, le Tribunal fédéral vient d’accepter une baisse provisoire du point Tarmed de 2 centimes. Celle-ci devra encore être confirmée ou infirmée par le Tribunal administratif fédéral. Deux centimes, ce n’est pas grand-chose, peut-on penser.
C’est sans savoir que le point genevois avait été fixé à 0,98 en 1994 et qu’il n’a jamais été augmenté depuis. Au contraire, il a été baissé à 0,96 en 2008. Depuis 1994, les salaires des employés, les loyers et les charges n’ont cessé d’augmenter, mais les médecins qui, en tant que patrons de PME, doivent faire face à toutes ces augmentations voient leur rémunération baisser. Curieuse façon de remercier des professionnels sous pression, dont les responsabilités sont si lourdes et le stress si présent qu’ils manifestent des signes de burn-out et un taux de suicide plus élevé que dans toute autre profession.
A cette aune, maintenir des soins de qualité, qui passent par une relève motivée et disponible, ressemble de plus en plus à une gageure. Il est urgent de faire passer des réformes pour remplacer le Tarmed par une nouvelle grille tarifaire davantage en lien avec la réalité du terrain, augmenter les places de formation, réduire la bureaucratie et permettre une meilleure conciliation des vies professionnelle et privée.