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Chiffres des cabinets médicaux: un dangereux cafouillage

L’étude de Santésuisse a créé une réelle cacophonie et mérite d’être critiquée. Par Véronique Kämpfen

«On conçoit sans peine qu’un psychiatre qui travaille seul n’a pas les mêmes charges qu’un cabinet de groupe d’ophtalmologues ou de chirurgiens, qui investissent dans des appareils coûteux ou des blocs opératoires, et qui ont de nombreux salariés.»
KEYSTONE
«On conçoit sans peine qu’un psychiatre qui travaille seul n’a pas les mêmes charges qu’un cabinet de groupe d’ophtalmologues ou de chirurgiens, qui investissent dans des appareils coûteux ou des blocs opératoires, et qui ont de nombreux salariés.»
Véronique Kämpfen
FER Genève - Directrice de la communication
25 janvier 2024, 15h00
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La profession de médecin ne fait plus rêver. Les plus jeunes d’entre eux font état d’horaires très lourds, de responsabilités écrasantes et d’une charge administrative qui compromet le temps consacré aux patients. Face à ces difficultés, beaucoup jettent l’éponge en début de carrière, au terme de longues études et d’un investissement personnel conséquent. La pénurie de médecins guette. Ils sont nombreux à partir à la retraite, alors que la relève n’est pas assurée. Outre le nombre de vocations qui chute, les jeunes médecins choisissent de plus en plus le temps partiel. Il faut donc former davantage.

Pour que la Suisse ne se transforme pas en désert médical et que la qualité des soins soit maintenue, il est essentiel de continuer à attirer des jeunes dans ces professions. Or, le cafouillage médiatique sur les chiffres des cabinets médicaux auquel on a assisté en ce début de semaine ne contribuera pas à faire grossir les rangs des futurs médecins.

Santésuisse, une des faîtières des assureurs maladie, a communiqué sur une étude indiquant que certains médecins réaliseraient des chiffres d’affaires de plus d’un million de francs, laissant entendre que c’est un scandale. La presse s’est empressée de diffuser cette information, en confondant bien souvent chiffres d’affaires et revenus. S’en est suivi une immense cacophonie, le citoyen peu attentif ayant désormais le sentiment que tous les médecins se font des marges monstrueuses sur leur dos, alors qu’en termes de revenus, la vérité est toute autre.

Le système tarifaire actuel est dépassé: les partenaires travaillent depuis des années sur une nouvelle grille de calcul. Santésuisse a quitté la table des négociations depuis plus de cinq ans. Pas très courageux.

Véronique Kämpfen

En moyenne, les revenus des médecins, tels qu’annoncés aux caisses AVS, sont de l’ordre de 170.000 francs par année. La différence entre le chiffre d’affaires et les revenus provient des charges d’un cabinet, qui varient. On conçoit sans peine qu’un psychiatre qui travaille seul n’a pas les mêmes charges qu’un cabinet de groupe d’ophtalmologues ou de chirurgiens, qui investissent dans des appareils coûteux ou des blocs opératoires, et qui ont de nombreux salariés (personnel soignant, réceptionnistes, secrétaires, etc.).

Santésuisse calcule des charges moyennes de 30%, alors que la Fédération des médecins suisses (FMH) parle de charges comprises entre 60% et 70%. Où est la vérité? On ne le sait pas. Santésuisse ne met pas ses chiffres en ligne. Tout au plus sait-on que les plus mirobolants sont le fait d’une cinquantaine de cabinets médicaux sur les dizaines de milliers qui existent en Suisse.

La FMH rappelle à juste titre que des procédures pour vérifier l’économicité des cabinets qui exagéreraient leur facturation sont en place, mais que Santésuisse n’y fait pas appel. Soit les chiffres annoncés ne sont pas si scandaleux que ça – mais alors pourquoi en parler – soit le groupe contrôle mal les factures – et ferait mieux de ne pas en parler.

Le système tarifaire actuel est dépassé: les partenaires travaillent depuis des années sur une nouvelle grille de calcul. Depuis 2019, trois mises à jour ont été proposées, toutes refusées par le Conseil fédéral. Santésuisse a quitté la table des négociations depuis plus de cinq ans. Pas très courageux.

En tant que citoyen, on assiste pantois à ce lavage de linge sale en public. Ce qu’on en retient, c’est que vouloir faire médecine aujourd’hui n’est pas le meilleur choix professionnel. C’est regrettable. Décourager les vocations est dangereux pour l’avenir de notre système de santé. A méditer avant de lancer le prochain pavé dans la mare.