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Treizième rente AVS, miroir aux alouettes

Le financement de l'initiative n'est pas assuré. Et ce n'est pas le seul problème. Par Véronique Kämpfen

«Pour aider les retraités qui en ont besoin, les initiants seraient mieux avisés de s’activer en faveur d’une amélioration des prestations complémentaires au lieu de vouloir mettre en place une solution qui bénéficiera à tous, même aux plus nantis.»
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«Pour aider les retraités qui en ont besoin, les initiants seraient mieux avisés de s’activer en faveur d’une amélioration des prestations complémentaires au lieu de vouloir mettre en place une solution qui bénéficiera à tous, même aux plus nantis.»
Véronique Kämpfen
FER Genève - Directrice de la communication
10 janvier 2024, 14h30
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Je viens de répondre à un petit sondage au sujet de la treizième rente AVS. L’immense majorité des répondants est en sa faveur. Si on comprend l’engouement spontané que suscite cette proposition, il est bon de la considérer en détail.

Le postulat des initiants est que les rentes actuelles ne suffisent pas pour vivre. Il est vrai que certains retraités ont du mal à joindre les deux bouts. Ils bénéficient donc des prestations complémentaires pour améliorer leur situation financière. La bonne nouvelle, c’est que 85% des retraités n’en perçoivent pas.

Pour financer cette treizième rente, il faut trouver 4 milliards de francs supplémentaires par an et, très vite, 5 milliards de francs au vu des 500.000 personnes qui partiront à la retraite ces dix prochaines années. Aujourd’hui, la Suisse compte 2,5 millions de rentiers. Leur nombre augmentera donc de 20%. C’est colossal.

La possibilité d’aller puiser dans les caisses de la Banque nationale, comme régulièrement suggéré par les initiants, est une utopie.

Véronique Kämpfen

Pour financer ces dépenses supplémentaires, il faudrait soit augmenter les charges salariales, ce qui pèserait sur les actifs, et surtout sur ceux aux salaires les plus modestes, ou augmenter la TVA d’un point, ce qui serait à la charge des ménages. De plus, la Confédération étant tenue de payer 20,2% des coûts de l’AVS, l’augmentation des rentes l’obligerait à financer entre 800 millions et un milliard de francs additionnels par an. Elle devrait soit augmenter les impôts, soit faire des économies dans des domaines comme l’agriculture, la défense ou la recherche et formation.

La possibilité d’aller puiser dans les caisses de la Banque nationale suisse (BNS), comme régulièrement suggéré par les initiants, est une utopie. Tout d’abord, ce serait impossible légalement, mais en plus elle a réalisé une perte de 3 milliards de francs en 2023, après une perte de 132 milliards en 2022. Et lorsqu’elle fait des bénéfices, elle en redistribue déjà une partie à la Confédération et aux cantons selon une clé de répartition clairement définie. Les bénéfices de la BNS profitent ainsi indirectement aux personnes qui ont besoin de prestations sociales.

Ce qui est particulièrement regrettable dans cette proposition, c’est qu’elle mettrait à néant les efforts consentis par les femmes d’augmenter leur âge de départ de la retraite à 65 ans. Cette mesure rapportera 1,4 milliard de francs par année, soit moins d’un quart de coûts de la treizième rente. Un triste autogoal.

Enfin, la treizième rente mettrait à mal les finances de l’AVS. Dès 2026, les dépenses excéderaient les recettes en cas d’acceptation. C’est mettre en péril l’institution même du premier pilier pour les générations futures. Au vu de l’évolution démographique, il y aura toujours moins d’actifs pour payer les rentes des retraités. Aggraver cette situation fragile sur le dos des jeunes générations est irresponsable.

Pour aider les retraités qui en ont besoin, les initiants seraient mieux avisés de s’activer en faveur d’une amélioration des prestations complémentaires au lieu de vouloir mettre en place une solution qui bénéficiera à tous, même aux plus nantis, et qui pèsera sur toutes les personnes actives, surtout sur celles aux revenus les plus modestes.