La Confédération met en consultation jusqu’au 10 décembre prochain un projet de modification de la loi fédérale sur le travail visant à assouplir certaines règles dans le cadre du télétravail. Ainsi, les collaborateurs majeurs disposant d’une grande autonomie dans leur travail et pouvant dans la majorité des cas fixer eux-mêmes leurs horaires auraient la faculté de répartir leur travail du jour et du soir dans un intervalle de 17 heures, contre 14 actuellement. Ils seraient également autorisés à effectuer ponctuellement du travail le dimanche sans autorisation (cinq heures au plus, pendant neuf dimanches au maximum par an).
Enfin, les jours où le travailleur effectue du télétravail, le repos quotidien pourrait être réduit à neuf heures, pour autant qu’une moyenne de onze heures soit respectée, sur l’ensemble des jours de travail, dans un intervalle de quatre semaines. Parallèlement, le droit à la «déconnexion» serait expressément ancré dans la législation.
Il s’agit là d’un léger assouplissement qui n’a rien de révolutionnaire et qui s’inscrit avant tout dans une optique de meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Le rapport explicatif donne à cet égard l’exemple suivant: «Un employé dont la journée de travail commence à 6 heures pourrait arrêter de travailler plus tôt pour s’occuper de ses enfants l’après-midi et préparer une présentation le soir, lorsque ceux-ci sont au lit.» Autrement dit, l’objectif principal est d’offrir plus de flexibilité aux travailleurs.
Personne ne remet en cause la nécessité de prévoir des protections et des garde-fous
Sophie Paschoud
Mais pour une partie de la gauche et des syndicats, toute mesure allant dans le sens de davantage de souplesse et de flexibilité est nécessairement et par définition à l’avantage exclusif des patrons, exploiteurs dans l’âme, et doit donc être rejetée par principe. Peu importent les souhaits exprimés par les travailleurs, car ceux-ci ne savent pas ce qui est bon pour eux. Toujours prompts à se réclamer de progressisme et de modernité, les syndicats sont restés bloqués au XIXe siècle dans leur perception des rapports de travail.
Cette conception pourrait prêter à sourire si elle ne rendait excessivement difficile toute évolution de la législation en la matière. On verra quel sort le Parlement réservera au projet évoqué et, s’il devait le rejeter, force est d’admettre que l’économie s’en remettrait.
Il n’en reste pas moins qu’il faudra bien un jour s’atteler à un grand toilettage de la loi sur le travail et de ses ordonnances, qui ne sont absolument plus adaptés à une société de services et aux modes de travail actuels. Le Centre patronal a d’ailleurs récemment formulé quelques ébauches de propositions en ce sens.
Personne ne remet en cause la nécessité de prévoir des protections et des garde-fous. Mais il faudrait aussi que la gauche et les syndicats comprennent que les mesures adéquates et les besoins en la matière ont évolué et que ça n’a pas de sens de s’accrocher à des normes conçues il y a plusieurs décennies, avant tout pour l’industrie.
Au vu de la difficulté qu’il y a à obtenir des modifications mineures et ponctuelles, il est toutefois à craindre que le jour où une révision de grande ampleur sera sous toit – si ce jour arrive – elle ne soit dépassée avant même son entrée en vigueur.