Qui n’a pas entendu la maxime – d’ailleurs vérifiée – selon laquelle trop d’impôt tue l’impôt? Elle se vérifie aussi dans d’autres domaines. Et si la Suisse peut être fière de sa démocratie, un excès peut là aussi conduire à l’indigestion.
Votation du mois de mars 2024: la majorité des cantons n’ont que le programme fédéral à proposer au souverain. Parmi les douze cantons proposant également un scrutin cantonal, c’est Genève qui présente le programme le plus copieux, avec huit objets. Le fait est que les citoyens du bout du lac ont régulièrement à se prononcer sur davantage de sujets que le reste de la Suisse.
Avec des référendums facilités dans les domaines de la fiscalité et des droits des locataires et un nombre de signatures nécessaires pour l’aboutissement des initiatives et référendums récemment revus à la baisse, il est facile de passer par le peuple, lorsque l’on n’a pas réussi à convaincre le parlement.
Si l’on peut se réjouir de voir notre démocratie si vivante, cette profusion de votations n’a pas que des avantages
Stéphanie Ruegsegger
De plus, Genève est un des rares cantons où les députés au Grand Conseil peuvent déposer eux-mêmes des projets de loi et autres textes parlementaires. Cette grande liberté est bien connue de nombreux groupes et entités désireux de faire entendre leurs voix. Ils sollicitent très régulièrement les élus pour que ceux-ci portent leurs messages. Le dialogue est intense entre élus et citoyens. La démocratie fonctionne donc à plein régime. Et cela sera encore plus facile désormais, puisque le souverain a accepté dimanche une nouvelle diminution du nombre de signatures.
Si l’on peut se réjouir de voir notre démocratie si vivante, cette profusion de votations n’a pas que des avantages. Le Conseil d’Etat genevois lui-même estimait dans la brochure consacrée aux votations cantonales «au nom des institutions et de leur bon fonctionnement, que l’exercice des droits politiques pourrait être banalisé, voire galvaudé, s’il était trop facile d’accès». Pour la population, entre un objet lié à l’aménagement, un autre de nature fiscale ou encore une réforme sociale, maîtriser les enjeux peut s’avérer un exercice difficile. A moins d’un vrai investissement en temps, l’information peut se limiter à des slogans réducteurs. Pas certain dans ce cas que la démocratie en sorte gagnante.
De plus, ces votations multiples peuvent potentiellement freiner le bon fonctionnement de nos institutions. Il sera désormais plus facile de lancer des initiatives sur des objets de nature plus individuelle que collective. Aujourd’hui, certains préfèrent déjà utiliser cet instrument pour traiter de conflits qui devraient être réglés par la voie procédurale ordinaire. Et la facilitation du référendum permet de retarder l’entrée en vigueur de certaines lois.
Rendre la démocratie accessible est une bonne chose. Mais celle-ci ne doit être l’instrument d’une petite minorité, qui en abuse pour alourdir et obstruer le bon fonctionnement des institutions.