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Les limites de la surveillance des hauts cadres des banques systémiques

Le Conseil fédéral propose un régime spécial pour instaurer une meilleure gouvernance. L’exemple du Royaume-Uni est riche d’enseignements. Par Vaïk Müller

«L’expérience britannique montre que le Senior Managers Regime (SMR) n’est pas la panacée.»
KEYSTONE
«L’expérience britannique montre que le Senior Managers Regime (SMR) n’est pas la panacée.»
Vaïk Müller
Cabinet d'avocats CMS - Associé, Responsable du secteur Banque & Finance à Genève
15 mai 2024, 15h00
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Le 10 avril 2024, le Conseil fédéral a adopté le Rapport sur la stabilité bancaire suite à la crise que le Credit Suisse a traversé en 2023. Le gouvernement propose un ensemble de mesures visant à renforcer le cadre réglementaire pour les établissements dits «too big to fail» et notamment la mise en œuvre d’un régime spécial pour les cadres supérieurs (Senior Managers Regime, SMR) dans le but d’instaurer une meilleure gouvernance.

Actuellement, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) dispose déjà de plusieurs instruments permettant de cibler des personnes. Elle examine en particulier l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience des membres de la direction et du conseil d’administration pour leur nomination en vue de garantir que l’établissement assujetti possède la garantie d’une activité irréprochable. En outre, la Finma dispose de la possibilité d’interdire l’exercice d’une profession ou d’une activité en cas de violation grave du droit de la surveillance. En pratique toutefois, la preuve des violations individuelles, en particulier dans les grandes institutions, apparaît difficile à établir, la démonstration d’une responsabilité causale directe étant requise.

Il faudrait éviter que la Suisse n’introduise un système trop rigide et inadapté qui pénaliserait les établissements suisses face à la concurrence étrangère

Vaïk Müller

Au niveau international, le Royaume-Uni a ouvert la voie avec son régime de certification des cadres employés par des entités surveillées par les autorités de la FCA et de la PRA. Ces cadres doivent soumettre à celles-ci un cahier des charges précis avec les responsabilités qui en découlent et toute modification doit également être notifiée et validée. La structure de la gouvernance et des lignes hiérarchiques doit également être décrite avec précision. L’introduction du SMR en Suisse soulèvera cependant certaines difficultés pratiques concrètes, l’expérience britannique ayant montré que les établissements ont besoin de temps et de ressources pour la mise en œuvre de ce régime, ce qui génère un surcroît de bureaucratie et la nécessité d’une refonte importante des processus internes.

L’expérience britannique montre également que le SMR n’est pas la panacée. Au moins un cadre supérieur du bureau londonien de Credit Suisse soumis à ce régime a été impliqué dans le scandale Archegos, ce qui tend à démontrer que l’effet préventif du régime n’est pas toujours dissuasif. De plus, d’aucuns estiment que le SMR peut décourager les meilleurs profils d’accepter une promotion de peur des risques liés à la responsabilité attachés à celui-ci. Enfin, ce régime peut également entraîner des répercussions sur les fonctions futures de personnes associées à des établissements ayant déjà fait l’objet par le passé d’une enquête, voire d’une sanction.

En définitive, si le SMR a le mérite de pousser les établissements à repenser leur gouvernance et peut aider à renforcer une culture d’entreprise axée sur plus de responsabilités tout en participant à restaurer la confiance dans le secteur financier, il convient de garder à l’esprit ses limites, les expériences étrangères en la matière et le besoin d’une coopération efficace entre la Finma et les institutions concernées. Ceci afin d’éviter que la Suisse n’introduise un système trop rigide et inadapté qui pénaliserait les établissements suisses face à la concurrence étrangère.