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Les étudiants étrangers n’ont pas à payer plus de taxes que les Suisses

En triplant les frais de scolarité des non-résidents, les EPF de Zurich et Lausanne feraient venir les candidats les plus fortunés, et non plus les meilleurs. Par Jacques Neirynck

«Les EPF sont financées par les contribuables suisses et non par les parents des étudiants étrangers. En les faisant payer davantage on rétablirait la justice distributive. C’est oublier qu'un étudiant étranger a reçu une formation antérieure entièrement financée par son pays d’origine.»
KEYSTONE
«Les EPF sont financées par les contribuables suisses et non par les parents des étudiants étrangers. En les faisant payer davantage on rétablirait la justice distributive. C’est oublier qu'un étudiant étranger a reçu une formation antérieure entièrement financée par son pays d’origine.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
18 mars 2024, 15h00
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Le Conseil des écoles, qui gouverne les deux écoles polytechniques fédérales (EPF) et les laboratoires associés, vient de prendre une heureuse décision: les étudiants étrangers ne paieront pas une taxe d’inscription plus élevée que les étudiants suisses et résidents. Une proposition visait à tripler ces taxes. Elle était directement en contradiction avec le principe de tout enseignement universitaire: on recrute des enseignants et des enseignés en fonction de leurs qualités propres en faisant abstraction de toute autre considération: passeport, religion, fortune, domicile. Le triplement des taxes pour les étrangers n’en eût pas ralenti le flot (51% des inscriptions) mais l’eût déterminé sur la base de la fortune des parents en négligeant l’essentiel, la capacité de réussir les études et la possibilité de s’engager dans la recherche.

L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est submergée par sa réussite et sera obligée d’organiser, néanmoins, un numerus clausus à 3000 étudiants étrangers en première année de bachelor. Contrainte et forcée, l’EPFL doit donc déroger au principe ci-dessus énoncé. Mais ces étudiants seront sélectionnés sur base de leur réussite au baccalauréat (ce sont surtout des Français). Cette solution de fortune présente cependant l’inconvénient majeur de créer des auditoires hétérogènes où les étrangers sont mieux formés que les Suisses.

La suggestion déplacée de faire payer davantage les étrangers repose sur une considération à première vue de bon sens

Jacques Neirynck

La suggestion déplacée de faire payer davantage les étrangers repose sur une considération à première vue de bon sens. Les EPF sont financées par les contribuables suisses et non par les parents des étudiants étrangers. En les faisant payer davantage on rétablirait la justice distributive. C’est négliger un autre facteur financier: un étudiant étranger s’engage à 20 ans sur la base d’une formation antérieure entièrement financée par son pays d’origine. Il représente un capital déjà investi que la Suisse engrange à son profit.

De toute façon une économie aussi avancée que celle de la Suisse ne peut pas fonctionner sur base de ses seules ressources démographiques. A titre d’exemple, le quart des médecins exerçant dans le pays a été formé à l’étranger. Le médecin allemand travaillant en Suisse est remplacé dans son pays par un Polonais ou un Tchèque, qui à son tour l’est par un Syrien ou un Indien.

Il existe une migration inéluctable des travailleurs qualifiés des pays pauvres vers les pays riches

Jacques Neirynck

En fin de compte, il existe une migration inéluctable des travailleurs qualifiés des pays pauvres vers les pays riches. Du point de vue global cela semble immoral, du point de vue individuel cela fait sens: comment pratiquer un métier de pointe dans un pays démuni des infrastructures les plus nécessaires? A quoi sert de s’y former pour ne pas le pratiquer?

On aurait intérêt à imaginer l’Europe comme les Etats-Unis où certains Etats, comme la Californie ou le Massachusetts, recrutent des étudiants et des travailleurs dans tout le pays au détriment d’Etats moins développés et y développent une industrie de pointe. Il n’y a pas de frontière qui tienne en science ou en technique, mais des pôles de développement aspirant tous les talents.

Pour revenir au point de départ, il n’y a rien de plus absurde que de contrecarrer ce mouvement pour des raisons de prétendue justice fiscale.