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La cause de la cause, ou les fausses excuses

Souvent le fautif visible d’une crise fut antérieurement une victime ignorée. C’est en Suisse et ailleurs. Par Jacques Neirynck

«La destruction de Gaza par Tsahal provient du massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas. Ce dernier s’impose à des Palestiniens acculés à l’envahissement de leur pays par Israël.»
KEYSTONE
«La destruction de Gaza par Tsahal provient du massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas. Ce dernier s’impose à des Palestiniens acculés à l’envahissement de leur pays par Israël.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
12 mars 2024, 15h00
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Dans la nature, il n’y a pas d’événement sans cause. Un tremblement de terre, provoqué par le mouvement des plaques tectoniques, ne constitue en rien un châtiment des habitants, qui serait infligé par un esprit invisible. De plus, les événements s’enchaînent les uns les autres, car il faut bien qu’une cause ait elle-même une cause, jusqu’à l’infini.

La destruction de Gaza par Tsahal (l'armée israélienne) provient du massacre du 7 octobre 2023 par le Hamas. Ce dernier s’impose à des Palestiniens acculés à l’envahissement de leur pays par Israël. Depuis, il y a deux peuples pour un seul pays. Ce n’est pas arrivé par hasard: les juifs ont fui l’Europe où ils ont subi le génocide de la Shoah. Les nazis ont organisé celui-ci comme résultat à l’antisémitisme rampant dans toute l’Europe depuis des siècles. Celui-ci provenait de l’existence de la communauté juive au milieu d’un continent chrétien, dont cette dernière religion servait de ciment au pouvoir politique, qui ne tolérait pas de dissidence. La dispersion du peuple juif en dehors de son pays d’origine à son tour fut déclenchée par la destruction de Jérusalem en 70 par l’armée romaine. Cet impérialisme est donc une cause lointaine. Pourquoi et comment Rome modeste bourgade du Latium a-t-elle construit cet empire? La cause ultérieure se perd dans les brumes de l’histoire.

Si l’on saisit bien ce mécanisme des causes, enfilées les unes aux autres comme les perles d’un collier, on s’abstient de désigner les coupables d’un cataclysme quelconque. Car souvent le fautif visible fut antérieurement une victime ignorée.

La déplaisante supériorité d’un parti populiste chauvin, antieuropéen et conservateur n’est pas inexplicable

Jacques Neirynck

Application à l’actualité suisse. La déplaisante supériorité d’un parti populiste chauvin, antieuropéen et conservateur n’est pas inexplicable: on peut citer comme causes, éventuellement multiples, la décadence irrésistible de la paysannerie, les menaces représentées jadis par les deux voisins puissants et querelleurs de l’Allemagne et de la France, la marée d’une immigration sans fin, la mutation précipitée des mœurs, de la technique, des métiers. Les mêmes causes produisent du reste les mêmes effets même aux Etats-Unis en voie de répudier leur démocratie pour tomber dans un chaos politique sous l’égide d’un menteur compulsif.

D’autres phénomènes helvétiques sont trop sommairement analysés. De quel lointain déterminisme proviennent le refus réflexe de l’Union européenne, l’hémorragie inexplicable des assurances maladies, la fragilité subite du système des pensions, le mécontentement latent des paysans, l’incapacité énigmatique de lutter contre le réchauffement climatique? En se bornant à une cause parmi d’autres, sans remonter à la cause de celle-ci on s’enferme dans une impasse de l’analyse. Car souvent on redoute d’aboutir à une vérité dérangeante.

Celle-ci serait-elle le mythe d’innocence originelle, qui fait de la Suisse le réceptacle de tous les dons et le gardien des vertus, le dépositaire autoproclamé du droit international, un Sonderfall hors de l’histoire, prospère car vertueuse? La cause lointaine en serait-elle le pacte de 1291? Et la cause de celui-ci? La maladresse des anges? La désignation divine d’un peuple élu? Habsbourg, pourtant argoviens d’origine? Le bon air des montagnes? La désignation divine d’un peuple élu?