• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Les actions collectives, un cheval de Troie dans notre système juridique

La Suisse n’a rien à gagner d’une américanisation de son fonctionnement.

«L’exemple récent de Lindt & Sprüngli aux Etats-Unis illustre parfaitement les dérives d’un tel système.»
KEYSTONE
«L’exemple récent de Lindt & Sprüngli aux Etats-Unis illustre parfaitement les dérives d’un tel système.»
Basile Dacorogna
Economiesuisse - Responsable de projets Concurrence et réglementation
19 novembre 2024, 18h30
Partager

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a émis, le 17 octobre dernier, un signal important en refusant d’entrer en matière sur l’introduction des actions collectives en Suisse. Une sage décision qui mérite d’être confirmée en plénum lors de la session d’hiver. La commission a estimé que les actions collectives ne s’intégreraient pas bien dans le système juridique suisse et qu’elles risqueraient de l’«américaniser» dangereusement même en mettant des garde-fous.

L’exemple récent de Lindt & Sprüngli aux Etats-Unis illustre parfaitement les dérives d’un tel système. Le chocolatier suisse fait face à une action collective concernant la présence de métaux lourds dans ses produits; une présence pourtant facilement explicable par le fait que le cacao d’Amérique du Sud est naturellement chargé sans que cela ne mette toutefois la santé en danger. Malgré le respect des normes en vigueur et des procédures de qualité rigoureuses, l’entreprise se retrouve donc contrainte de se défendre dans une procédure coûteuse et médiatisée, susceptible d’entacher fortement et injustement sa réputation.

L’expérience internationale démontre que les actions collectives conduisent invariablement à l’émergence d’une véritable industrie du litige.

Basile Dacorogna

Ce cas est toutefois loin d’être isolé. L’expérience internationale démontre que les actions collectives conduisent invariablement à l’émergence d’une véritable industrie du litige. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne, leur introduction a engendré une nouvelle culture juridique axée sur la confrontation plutôt que sur la recherche de solutions. Les entreprises se retrouvent souvent contraintes d’accepter des règlements à l’amiable onéreux, même en l’absence de faute, simplement pour éviter des procédures interminables et une exposition médiatique toujours négative.

Plus inquiétant encore, les actions collectives risquent d’affaiblir nos institutions démocratiques. Des organisations non gouvernementales pourraient être tentées de contourner le processus législatif traditionnel en privilégiant la voie judiciaire pour faire avancer leurs agendas, notamment dans le domaine du climat. Cette judiciarisation du débat public minerait le rôle central du Parlement et notre culture suisse du dialogue.

La qualité du système juridique suisse est reconnue internationalement. Le code de procédure civile actuel permet déjà aux victimes de faire valoir leurs droits, même pour des dommages mineurs. Notre pays dispose également d’un système de médiation efficace, système d’ailleurs constamment renforcé par les avancées technologiques. Pourquoi donc vouloir importer un instrument qui a démontré ses effets pervers à l’étranger?

Les principaux bénéficiaires de ce changement ne seraient ni les consommateurs ni les entreprises, mais les avocats spécialisés et les sociétés de financement de procès. Ces dernières, attirées par la solidité financière des entreprises suisses, n’hésiteraient pas à financer des actions judiciaires dans l’espoir d’obtenir des règlements lucratifs.