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L’enseignement d’une menace existentielle

Les dysfonctionnements quasi folkloriques de l’armée suisse constituent bien peu de choses en comparaison de la situation avec l’Ukraine.

«La neutralité de la Suisse n’empêchera pas [Vladimir Poutine], s’il en a besoin, de l’envahir.»
KEYSTONE
«La neutralité de la Suisse n’empêchera pas [Vladimir Poutine], s’il en a besoin, de l’envahir.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
05 mars 2025, 15h00
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Les démissions de Thomas Süssli et Christian Dussey signent celle de Viola Amherd. Une possible fraude à Ruag dépasse plusieurs dizaines de millions de francs. Les drones Hermes 900 de l’armée suisse ne peuvent toujours pas voler par temps givrant, dix ans après leur achat auprès du constructeur israélien, dont le pays jouit d’un climat différent, ce que le commanditaire semblait ignorer.

Entretemps, la guerre s’installe en Europe. L’Ukraine faiblit. Les Etats-Unis ne garantissent plus leur protection. L’Union européenne (UE) devrait se réarmer au point de pouvoir assurer sa propre défense alors qu’elle touche depuis des décennies les dividendes de la paix: consacrer à l’aide sociale ce qui fut épargné sur l’armée. Comment abandonner ce premier objectif au bénéfice du second?

Les dysfonctionnements quasi folkloriques de l’armée suisse constituent bien peu de choses en comparaison. Cependant c’est l’occasion de revenir sur son objectif: ce fut jadis la neutralité armée, c’est-à-dire de ne pas prendre parti lors d’un conflit entre voisins, selon une vieille habitude entre la France et l’Allemagne, mais d’être capable d’interdire le passage par le territoire helvétique. La situation sur le front en Ukraine est telle que cet objectif paraît bien éloigné.

La neutralité devient une clause de style, un résidu de l’histoire, un oreiller de paresse

Jacques Neirynck

Tout d’abord, la Russie de Vladimir Poutine n’attache plus d’importance au droit international: la neutralité de la Suisse ne l’empêchera pas, s’il en a besoin, de l’envahir. On se permet de douter que l’armée suisse puisse sérieusement l’en empêcher, alors que les Polonais installés aux premières loges consacrent 4% du produit intérieur brut (PIB) à sa défense, la Suisse n’en consent que le quart de cela. La neutralité devient une clause de style, un résidu de l’histoire, un oreiller de paresse.

Si l’Europe doit se défendre contre une invasion par l’Est, elle ne le peut, non pas en coordonnant ses multiples défenses inexistantes, mais en devenant une puissance politique et militaire. Elle a un drapeau, une monnaie, un hymne, une capitale mais pas d’armée. Ce n’est pas un pays; contrainte et forcée elle doit le devenir. Mais comment imaginer que des Français, des Allemands et des Italiens puissent se considérer comme citoyens égaux?

Telle est la vocation utopique de la Suisse: servir d’amorce à la cristallisation d’un grand pays, dont il faut qu’elle fasse partie pour le façonner, pour mettre en œuvre ses traditions, ses compétences, ses valeurs. Selon l’adage: si le grain ne meurt, il reste seul, mais s’il tombe en terre il porte beaucoup de fruits.

La santé économique, politique, culturelle de la Suisse est presque insolente: réussir ainsi alors que l’on est petit et que le pouvoir n’est exercé par personne avant qu’il soit convenablement dilué. Il faudrait enseigner cela à la monarchie républicaine française.