Aux élections fédérales de 2023, les Verts ont perdu des sièges. Lors des élections européennes, le désamour prévu envers les partis écologistes a été confirmé. Il s’agit d’un mouvement d’ensemble.
Pourtant le défi du réchauffement climatique n’a jamais été aussi pressant et visible: sécheresses d’une part, inondations ailleurs, fontes de glaciers, tornades, acidification des océans. Bien que l’alerte ait été donnée voici plusieurs décennies, l’émission de gaz à effet de serre n’a fait qu’augmenter, tout en laissant la vague impression dans l’opinion publique qu’elle aurait diminué. Cet objectif politique est donc puissant mais il n’informe plus une partie des électeurs. Plus l’enjeu est visible, moins il convainc. Pourquoi?
Tout d’abord, il s’est banalisé. Tous les partis, sauf l’extrême droite, lui réservent une place d’honneur dans leur programme, tout en se gardant de prévoir des mesures efficaces. C’est devenu une sorte de religion officielle, fédérant des croyants non pratiquants. Les Verts en sont les otages, car ils n’accèdent jamais au pouvoir sinon de façon marginale sans réussir à mettre en œuvre des décisions efficaces à la mesure du défi. La coalition des partis de gouvernement a établi une sorte de cordon sanitaire autour des écologistes, une réserve d’Indiens vivants hors de la réalité, de doux rêveurs qu’il ne faut pas contredire.
L’écologie est une discipline scientifique fondée sur le déchiffrage de la réalité. Les partis dits écologistes s’en écartent par l’adhésion à une idéologie de gauche
Jacques Neirynck
Alors que l’écologie est une discipline scientifique fondée sur le déchiffrage de la réalité, les partis dits écologistes s’en écartent par l’adhésion à une idéologie de gauche. Un objectif réaliste s’efface derrière le vieux combat entre droite et gauche. Pourquoi?
Le recrutement des Verts à la fin des années 1980 a servi de roue de secours pour des communistes désemparés: familiers de l’idéologie marxiste, ils considéraient avec douleur l’effondrement de son utopie soviétique. Loin de se convertir à la réalité des faits, ils se précipitèrent sur une cause de rechange: lutter contre le capitalisme en dévoilant ses effets pervers sur la nature. Dès lors tout est bon, même au prix de contradictions: se déclarer pour la décarbonation de l’économie, mais s’opposer aux éoliennes.
Dès lors l’écologisme politique est devenu punitif, prônant une décroissance aussi impopulaire qu’irréaliste, rivalisant avec le Parti socialiste dans les revendications sociales impossibles à satisfaire, se livrant à des démonstrations publiques aussi spectaculaires que mal vues. La Suisse s’est distinguée en suscitant un oxymore: les Vert'libéraux, qui les premiers ont compris qu’il fallait concilier écologie et économie, que le véritable défi est celui d’une mutation au sein de l’évolution industrielle, que le combat n’est pas contre le capitalisme mais contre l’ignorantisme revendiqué par l’extrême droite.
Une écologie bien comprise ne peut faire abstraction du phénomène fondamental de la vie, à savoir l’évolution. Elle s’enferre en se focalisant sur l’amoindrissement de la biodiversité, qui est à la fois une conséquence du réchauffement climatique et de la plasticité innée de la vie. Le seul objectif devrait être de maintenir le climat de la planète par tous les moyens, au besoin même le capitalisme.