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Coûts de la santé: la cause cachée d’une impasse

Parmi les pistes d’économie, la plus nécessaire est la chasse aux gaspillages et aux doublons. Mais le problème de fond est ailleurs. Par Jacques Neirynck

«Il faut imaginer un instrument qui permette de renoncer à certains soins qui sont actuellement dispensés mais qui s’avèrent en réalité inutiles.»
KEYSTONE
«Il faut imaginer un instrument qui permette de renoncer à certains soins qui sont actuellement dispensés mais qui s’avèrent en réalité inutiles.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
03 juin 2024, 15h00
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Lors de l’émission Infrarouge de la RTS du 22 mai sur l’initiative du Centre de contrôle du coût de la santé, il est apparu que les initiants et leurs opposants, à commencer par la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider, tombaient au moins d’accord sur un objectif: il faut stabiliser voire réduire le budget global de la santé. Qu’il incombe à la Confédération ou aux cantons, peu importe car en fin de compte c’est toujours le même contribuable qui paie. La charge est devenue insupportable, il faut la contenir.

Là où les opinions divergent, c’est sur la possibilité de le faire. Parmi les pistes, la plus importante, la plus nécessaire est la chasse aux gaspillages et aux doublons. Il faut imaginer un instrument qui permette de renoncer à certains soins qui sont actuellement dispensés mais qui s’avèrent en réalité inutiles. Or comment le savoir de science sûre? La véritable question est de déterminer qui va procéder à ce tri. Rien n’a empêché jusqu’à présent que le Parlement se saisisse de ce problème et impose des solutions. Or, il est resté muet. Pourquoi?

Parce qu’on touche à un non-dit de notre société. Refuser de dispenser certains soins que le médecin prescrit et que le patient attend, c’est forcément courir le risque de le faire à mauvais escient, c’est-à-dire de laisser pâtir, voire mourir, quelqu’un qui aurait pu être soulagé ou sauvé si la médecine avait tenté tout ce qu’elle peut. En un mot, c’est le spectre du rationnement, l’encadrement de la liberté des praticiens par une administration.

Celle-ci ne peut agir qu’en fonction de textes qui fabriquent une machine aveugle. Elle supprimera des gaspillages mais avec d’inévitables effets collatéraux, des refus de soigner, des traitements retardés (et donc plus coûteux) et des morts évitables. Quel que soin que l’on apporte à une loi ou un règlement d’application, on ne peut atteindre l’infaillibilité.

Etes-vous disposés à payer de plus en plus pour vivre le plus longtemps possible?

Jacques Neirynck

La question devient: pour limiter la dépense peut-on tolérer une stagnation de l’espérance de vie? C’est là que le bât blesse. La société du troisième millénaire ne croit plus en la vie éternelle et sacralise en compensation la vie immédiate. On le décèle dans la farouche opposition à l’élévation de l’âge de la retraite: le citoyen aspire à une retraite aussi longue que possible qui constitue son ciel sur terre. Telle est la cause de la cause cachée de l’impasse de la santé. Un sondage a révélé que 90% des Français ne croient plus en une vie éternelle. C’est ce scepticisme qui sous-tend la pléthore des soins, l’acharnement thérapeutique pour allonger l’espérance de vie.

Il faudrait poser le problème en ces termes lors d’une consultation populaire: êtes-vous disposés à payer de plus en plus, au fur et à mesure du vieillissement de la population et du progrès de la médecine, pour vivre le plus longtemps possible? Ou bien acceptez-vous de mourir plus tôt en faisant des économies? Ou encore acceptez-vous une médecine à deux vitesses qui permettra aux seuls riches de vivre plus longtemps? Et en fin de compte, ne pourriez-vous faire un effort pour croire en la vie éternelle en vue de relativiser votre vie biologique? Tel est le véritable débat qu’il est impossible de mener même à Infrarouge.