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Démagogie académique

Vouloir faire davantage payer les étudiants étrangers que ceux résidant en Suisse est une fausse bonne idée. Par Jacques Neirynck

«Le budget annuel de l’EPFL est de l’ordre d’un milliard. En imposant une taxe supplémentaire de l’ordre de 3000 francs à environ 6000 étudiants étrangers, on collecte 18 millions de francs, c’est-à-dire de l’ordre de deux pour mille du budget.»
KEYSTONE
«Le budget annuel de l’EPFL est de l’ordre d’un milliard. En imposant une taxe supplémentaire de l’ordre de 3000 francs à environ 6000 étudiants étrangers, on collecte 18 millions de francs, c’est-à-dire de l’ordre de deux pour mille du budget.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
28 mai 2024, 15h00
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Les nouveaux étudiants des écoles polytechniques fédérales (EPF) venant de l’étranger devraient payer des taxes trois fois plus chères que ceux résidants en Suisses. Actuellement, la finance de cours semestrielle de l’EPFL et de l’EPFZ s’élève à 730 francs. La commission compétente du National a pris cette décision par 21 voix contre 3.

Par ailleurs, le Conseil fédéral prévoit une réduction de la contribution au domaine des EPF de 100 millions de francs en 2025. La commission a aussi décidé de réduire les bourses allouées à des étudiants étrangers. Le Conseil national examinera le projet lors de la première semaine de la session d’été 2024.

Cette décision semble relever du bon sens le plus flagrant: comme les EPF sont financées par les impôts des parents d’étudiants suisses, ceux des étudiants d’étrangers devraient également contribuer. Mais il faudrait tout d’abord déterminer quel est le but que poursuit la Suisse en formant à ses frais de futurs ingénieurs pour l’étranger. Est-ce un don gratuit? Est-ce créer de futurs clients pour l’industrie helvétique? Ou ne serait-ce pas un pur et simple gaspillage des deniers publics?

Avec moins de 10 millions d’habitants et une industrie de pointe, la Suisse ne peut maintenir son niveau d’excellence qu’en drainant des talents de l’extérieur

Jacques Neirynck

Or, l’objectif est tout différent si l’on prend du recul. Avec moins de 10 millions d’habitants et une industrie de pointe, la Suisse ne peut atteindre et maintenir son niveau d’excellence, c’est-à-dire la source de sa richesse, qu’en drainant des talents de l’extérieur. Si les EPF forment des étudiants étrangers, c’est aussi pour en garder une fois diplômés sur son territoire. Il ne faut donc pas dissuader des candidats aux EPF en élevant une barrière fondée arbitrairement sur la fortune des parents.

Une université peut et parfois doit sélectionner ses étudiants, mais strictement sur leurs capacités et leurs motivations: pour contenir l’afflux d’étudiants français, l’EPFL les sélectionne à juste titre sur la base de leurs résultats au baccalauréat.

Le budget annuel de l’EPFL est de l’ordre d’un milliard. En imposant une taxe supplémentaire de l’ordre de 3000 francs à environ 6000 étudiants étrangers, on collecte 18 millions de francs, c’est-à-dire de l’ordre de deux pour mille du budget. Plus la bonne conscience du parlement fédéral qui s’imagine avoir compensé ses coupures de crédits. La mesure est absurde à tous les points de vue, académique comme budgétaire. Elle va à l’encontre de deux principes entre lesquels il faut composer.

Selon le premier, un pays riche devrait assumer la totalité du coût de formation non seulement de ses habitants mais aussi d’étudiants étrangers, provenant parfois de pays moins riches voire pauvres. Or, ce principe n’est pas respecté dans le domaine médical: un quart des médecins et la moitié des infirmières exerçant en Suisse ont été formés à l’étranger, donc aux frais de ces pays.

Selon le second, le monde académique a deux tâches très lourdes: la transmission du savoir et la recherche. Elles conditionnent la vie économique du pays et justifient l’investissement en argent public. Elles requièrent des esprits particulièrement doués et motivés, donc rares, à découvrir et à attirer. Lorsque la mesure envisagée aura été votée par les deux Chambres, la Suisse perdra quelques recrues de valeur, en croyant avoir rééquilibré le budget des EPF.