Une initiative populaire issue de «Aktion Vierviertel» (Action quatre quarts) veut permettre la naturalisation aux personnes vivant en Suisse depuis cinq ans, à condition qu’elles n’aient pas été condamnées à une peine de prison longue durée et qu’elles aient des connaissances de base d’une langue nationale. Le quart des habitants du pays n’ont pas sa nationalité, d’où le titre de l’initiative.
La procédure de naturalisation varie de canton en canton et de commune en commune. Elle se révèle à ce point aléatoire et problématique qu’elle décourage beaucoup de candidats potentiels. Privés du droit de vote, ils ne s’agrègent pas aux partis et ne sont pas élus dans les exécutifs.
La Suisse perpétue ainsi le schéma de la citoyenneté de l’Antiquité: à Athènes il y avait à peine 10% de citoyens
Jacques Neirynck
La Suisse perpétue ainsi le schéma de la citoyenneté de l’Antiquité: à Athènes il y avait à peine 10% de citoyens, uniquement des hommes, qui ont fait leur service militaire, puis des hommes libres non citoyens, les métèques qui payaient des impôts et, enfin, des esclaves. Par définition, les femmes n’avaient pas la citoyenneté et jouaient un rôle domestique. Avec les conceptions actuelles, on peut difficilement considérer que ce fut une vraie démocratie.
Actuellement, les conditions d’une naturalisation sont les suivantes en Suisse (romande): avoir séjourné dix ans avec un permis valable, dont trois ans au cours des cinq années qui précédent la demande; avoir un permis C; parler et écrire le français; avoir des connaissances suffisantes sur la géographie, l’histoire, la politique et les particularités sociales de la Suisse et du canton; avoir une situation permettant de subvenir à vos besoins et à ceux des membres de votre famille; ne pas avoir perçu l’aide sociale dans les trois ans précédant le dépôt de votre demande de naturalisation.
Cela fait beaucoup de conditions, dont certaines sont sujettes à une évaluation laissée à l’estime d’une commission. Or celle-ci est composée de personnes qui n’ont pas forcément les mêmes intérêts que le candidat: il n’est pas judicieux d’avouer qu’il ne s’intéresse ni au football ni au ski ni à la raclette. On ne manque pas d’observer souvent que la plupart des authentiques citoyens suisses ne réussiraient pas ce genre d’examens.
Cette intransigeance ne satisfait pas un sentiment très répandu, qui constitue le fonds de commerce du premier parti suisse: la crainte de l’immigration, la peur du grand remplacement. Un facteur, devenu obsessionnel dans tous les pays développés, vicie le débat politique et l’écarte des sujets vraiment graves: la transition climatique; l’effondrement de la démographie; les menaces de guerre.
Plutôt que de remettre en cause son propre comportement et celui du parti auquel on adhère, on échappe à ces questions en attribuant leur cause aux immigrants. Par nature, ils abusent de l’aide sociale, ils encombrent les routes, ils monopolisent les logements, ils abritent des terroristes, ils pratiquent une religion qui offense les non-pratiquants du christianisme. Dans ce contexte, le vote populaire sur l’initiative en question a toutes les chances de se révéler négatif.