Donald Trump et Vladimir Poutine sont des menteurs professionnels. Ils ne mentent pas parfois, mais par système: «Barack Obama n’est pas un citoyen américain»; «En 2022, l’Ukraine a attaqué la Russie». Il suffit d’inverser ces affirmations pour obtenir la vérité. Dans l’esprit de gens peu ou mal informés, ces mensonges s’incrustent parce qu’ils confortent des préjugés.
Ce qui est vrai au niveau international, l’est tout autant en Suisse. Il est impossible de dire que l’allongement de l’espérance de vie impose dès maintenant un ajournement du début de la retraite. Lorsque le PLR a osé énoncer cette vérité, il a perdu des sièges. Un démagogue a plus de chances d’être élu qu’un candidat intègre.
Cette recette se déploie sous nos yeux: le mensonge populiste génère la victoire électorale. La définition du populisme est ambiguë, car certains partis penchent vers le libéralisme, d’autres vers le dirigisme. Toutefois il existe un invariant: le discours à la population propage la défiance à l’égard de l’étranger. Le refus de l’Union européenne s’inscrit dans cette obsession de retranchement dans les frontières nationales.
Si la xénophobie constitue un fonds de commerce, elle permet un discours captivant. Cette rhétorique populiste secondaire consiste à répondre sans scrupule à des problèmes complexes.
C’est le non à tout: les traités internationaux, les juridictions mondiales. Mais aussi les OGM, la procréation médicalement assistée, le tri des déchets, la sortie du nucléaire, la réduction des gaz à effet de serre, les limitations de vitesse, la suppression des chauffages électriques, le remplacement des ampoules à incandescence par des LED.
La vérité devient inaudible lorsque le politique tient à ménager une pléthore d’intérêts contradictoires.
Jacques Neirynck
Ce réflexe d’appréhension universelle s’exerce ainsi non seulement à l’égard de l’étranger, mais aussi de la nouveauté. C’est une réponse simple et compréhensible, là où les autres partis expliquent laborieusement les nuances, les limites, les compromis obligés, les principes du droit. C’est-à-dire le monde tel qu’il est, la politique dans toute sa difficulté.
Aujourd’hui, le débat politique sort du classique conflit unidimensionnel droite-gauche. Une autre dimension s’ouvre: la tension entre la réalité et la fiction. Lutter contre le populisme ne se fera pas sans inventer un discours simple pour expliquer les défis les plus compliqués.
C’est un problème de communication plus que de créativité législative. Cela passe par l’élimination de la langue de bois, maniée par trop de politiciens afin d’obscurcir maladroitement la complexité du réel dans un discours incompréhensible. La vérité n’est simple à dire que si l’on s’y tient scrupuleusement. Elle devient inaudible lorsque le politique tient à ménager une pléthore d’intérêts contradictoires, à peindre de la sorte un monde tout aussi irréel que celui des populistes.
Certes les populistes mentent ouvertement, visiblement, alors que la règle en politique ordinaire est de dérober la vérité sous un fatras rhétorique, «d’éléments de langage». Comme le peuple est habitué aux mensonges ordinaires par omission, il est agréablement surpris lorsqu’un menteur ne se camoufle pas. Un mensonge clair, avéré, manifeste finit par devenir un substitut de vérité par l’effet de sa provocation.